Vanuatu – Ile d’Efate


Port vila

Comme toute ville, Port vila est un lieu de rencontres, on y retrouve d’abord l’équipage d’Aldébaran, Raphaël et Emma, sur un fantasia jaune, rencontrés à Tanna et on rencontre Michel du fameux pogo40 « Catch me » basé en Nouvelle Calédonie, qui est aussi le voisin de maison et ami de Mimi et Olivier que nous avons rencontré il y a plus de 10 ans lors de notre passage du canal de Panama ; la mer est si petite si vaste.

Un jour de pluie, nous allons au musée du Vanuatu : une visite est organisée pour une classe venue d’Australie, menée en Français par un guide Jimmy et filmée pour la province nord de Nouvelle-Calédonie, on y découvre parmi d’autres objets, les masques de cérémonie, les tambours qu’on appelle « tam-tam » de plusieurs mètres de haut, sculptés, les poteries Lapita avec des frises de dessins géométriques, des herminettes faites d’un manche en bois et de coquillage pour tailler, des répliques de pirogue traditionnelle, à la fin de la visite, le guide fait une séance de dessins sur sable, appelé « ruerue » : ce sont des dessins faits sans lever la main qui représentent un des éléments de l’histoire qui est racontée en même temps que le dessin est fait ; cela ressemble à des arabesques, certains sont figuratifs avec des formes animales ou végétales, cela a la beauté d’un long souffle, d’un geste d’accomplissement avec un début et une fin définis. Nous sommes les deniers visiteurs à sortir du musée et le guide nous invite à le suivre pour boire du kava. Près du musée sont installés des petits baraquements en bois qui servent d’abri aux buveurs de Kava, venus ici le soir, on peut aussi acheter des petits en-cas, des cacahuètes et même des brochettes de coquillages crus…Nous retrouvons l’équipe du tournage, participons même à un bout de film..le kava est servi dans des petits verres, on se tourne vers la ville, on en jette un peu par terre par geste cérémoniel puis on le boit, le goût est anisé, très bon, allez on en reprend un deuxième ; le kava du Vanuatu est dit-on le meilleur du Pacifique et les ni vanuatus l’exportent même, sous le toit de palme, à l’abri de la pluie, à manger des cacahuètes et à regarder tomber la pluie, la conversation avec le guide et l’équipe de tournage dérive forcément, le guide est en fait un kanak de Nouvelle-Calédonie faisant partie du programme « France Volontaire » il nous décrit des comportements types de Français avec une pointe d’ironie, nous explique comment le Vanuatu est un modèle pour les kanaks concernant leur parcours vers l’indépendance, de la magie noire qui permet de transporter des personnes de Nouvelle-Calédonie au Vanuatu en passant par un arbre. Elanore qui lit avec avidité les histoires du sorcier Harry Potter est interloquée. Ce guide s’est tellement adapté au Vanuatu et est si conscient de son identité d’homme du Pacifique qu’il parle le bichlamar et fait la visite du musée national du Vanuatu. Il a été avec ce même programme « France volontaire » à Madagascar et il est l’exemple même de ce qu’ apporte d’ouverture d’esprit une expérience de vie à l’étranger.

Avec l’équipe du tournage,en particulier la directrice de la boite de production, on discute des kanaks, de la présence française en Nouvelle-Calédonie, de leurs points de vue si différents du guide et pourtant si complémentaires, cohabitants même.

Port Vila – on l’appelle ici « Vila »-est une drôle de ville, comparée au reste du pays, qui regorge de boutiques d’articles en détaxe pour les étrangers de passage, de supermarchés bien achalandés, de complexes touristiques, de casinos, de restaurants et d’hôtels, à certains endroits de la baie qui borde la ville, les eaux sont cristallines et les activités de loisir (kayak, plongée, baignade) se font au sein même de la baie, on est dans un autre monde, même pour les ni vanuatus qui y habitent, on vient là pour les affaires, le Vanuatu est un paradis fiscal avec des banques bien opaques comme la magie noire, on vient là, déversés en masse par les nombreux paquebots qui y font escale. les prix y sont exorbitants ( comme à Tahiti ou à Nouméa) il y a même un lycée français du nom de Jean Marie Gustave Le Clezio- je ne sais pas ce qu’il en pense, JMG? Le coût de scolarité par trimestre est de 1300 euros, dès le collège, ici au Vanuatu, la scolarité des enfants est payante, 100 vatus par trimestre, 1/3 des élèves du primaire vont au collège et s’arrête souvent au second trimestre, faute d’argent…260 euros c’est le salaire minimum au Vanuatu.

Sur le bord de la rive de l’île centrale, une dizaine de voiliers échoués victimes du cyclone PAM.

 

 

Havannah Harbour

Une baie profonde, des collines boisées aux alentours, des tortues apparaissent à la surface pour respirer, un petit ponton, va et vient des petits bateaux à moteur.

 

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Pieds d’Alice (qui a encore subtilisé l’appareil photo pendant la traversée vers Havannah Harbour!)

 

La forêt s’étend jusqu’au rivage, nulle habitation ou population ne se voit pourtant on aperçoit un morceau de toit de palme et dès la nuit tombée, on voit une fumée percer les feuillages. Le lendemain, on débarque à terre, toujours ému de découvrir un nouveau lieu, ne sachant pas qui on rencontrera, ce que l’on y trouvera. Un village, des gens qui viennent nous souhaiter la bienvenue, on commence à discuter, on fait une petite promenade de part et d’autre du village, les papillons nous accompagnent, il y en a partout, des multicolores, noirs, gris tachetés, rayés, on en cueille comme des fleurs au milieu de la route, les papillons butinent les fleurs, on pourrait croire des fleurs, taches colorées sur taches colorées, certains s’appellent papillons « bonnes nouvelles », ils vivent une journée et demain, demain, le paysage qu’ils forment aura changé.

Les arbres sont immenses, une ville les habite faite de bruits des insectes qui les peuple, le tronc est un tronc de racines multiples, fragiles et puissantes, qui montent de la terre et descendent jusqu’à terre dans un cycle parfait. Il faut s’arrêter près d’un de ses arbres, et écouter cette vie qui bruisse comme une source, un ruisseau qui coule sans arrêt, un torrent, un fleuve, des qu’on fait un pas de côté, les bruits s’estompent, la ville s’éteint, il y a des bruits de grillon, de cigale, des oiseaux qui chantent, on ne voit rien, on entend tout, comme un arbre magique ; les banians au Vanuatu – aux Marquises, en Polynésie, les marae sont construits au pied des immenses banians-, les banians servent de lieu de réunion : le nakamal est construit soit à l’intérieur des racines soit à proximité, il peut servir de lieu de passage des esprits, on se remémore les légendes du Vanuatu recueillies par le linguiste Alexandre François mises à la disposition de tous sur son site internet, kpwet le dieu farceur, les farfadets, Romanmangan, la fée venue de l’autre monde, les trois femmes du gecko. Dans le village d’Havannah Harbour, des planches servant de bancs ont été installées au pied de l’arbre, on se retrouve le soir ou le dimanche pour discuter. « Ici pas de kava ni d’alcool », c’est ce que me dit le pasteur de l’église avec qui je discute sur le pas de porte de sa maison, il est depuis un mois dans ce village et va ainsi de village en village faisant le tour des villages acquis à la cause, il me dit qu’il était gendarme jusqu’en 1980, et au moment de l’indépendance il a démissionné. « Alors qu’est ce que l’indépendance a changé pour vous ? » sans hésiter il me répond : « Freedom » la liberté. «Avant « me dit il « dès qu’un blanc arrivait au village, on avait peur, l’impression d’avoir fait quelque chose de pas bien, la soumission ; depuis l’indépendance, nous avons retrouvé la liberté. »

Une des barques en aluminium est trouée, Pierre sort ses outils et répare la barque, on leur donne un bout d’amarre, ils nous donnent une grosse papaye.

En allant à Havannah Harbour, nous sommes passés par le domaine du roi Mata : les trois îles liées à sa vie et à sa mort, Maangas, Lelepa et Artok.

Selon les traditions orales, »le Roi Mata serait arrivé au Vanuatu en pirogue, aux alentours de 1 600. Débarquant au Sud d’Éfaté, à Maniora, la pointe la plus orientale de l’île, il entreprend la conquête d’Éfaté et des îles avoisinantes avant de s’installer dans le nord. À l’époque, les tribus sont en guerres depuis l’irruption du Volcan Kuwae qui perturbe l’organisation des terres.Pour restaurer une paix durable,le Roi Mata met en place un système de parenté matrilinéaire à lignées totémiques entre lesquelles la guerre est impossible. En leur donnant des titres, il intronise les principaux chefs de l’île qui lui sont liés personnellement par un serment d’allégeance, système qui perdure encore. Cette organisation donne au peuple d’Éfaté le sentiment de son identité commune, unifiant ainsi toute l’île. On raconte que la jalousie fraternelle mit fin aux jours de ce grand homme, quand son propre frère, Roi Muru, lui tira une flèche empoisonnée dans la gorge. Il succombe à cette trahison dans la cave de Feles, sur l’île de Lelepa…accompagné dans son voyage, des membres de la cour et de sa famille qui furent enterrés vivants, à ses côtés, avec leurs richesses : défenses de porcs, coquillages, colliers… »

Lorsque nous sommes allés au musée de Port Vila, nous avons pu voir les photographies de l’archéologue français José Garanger résultant des fouilles faites en 1972 sur les différents sites. Il découvrit la tombe du Roi Mata ainsi que les vestiges des squelettes de 47 personnes sur l’île d’Artok, confirmant ainsi les traditions orales.

Guerres tribales, cannibalisme, magie noire, avant la grande remise en ordre opérée par les missionnaires, le Vanuatu tout comme la Polynésie est maintenant le terrain de multiples religions, certaines tout à fait inconnues pour nous comme la « Christian Fellowship Church « CFC appelé aussi sous le nom de Etoism qui prône une propriété commune des terres et la communauté dans l’organisation de la vie du village ; elle interdit l’alcool et le kava…

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