Vanuatu – Sandwich à Olry…


 

Port Sandwich, pris en sandwich entre deux rives, dans la beauté pure, entre des montagnes boisées et une mer devenue miroir tellement elle est calme, une mer devenue ciel tellement le ciel s’y reflète et qu’il devient l’égal de la mer. Une cocoteraie, des vaches, des cochons, des chiens, des fleurs, des pamplemousses, des citronniers, des arbres à pain, toutes sortes de fruits à vrai dire (papayes, mangues, …), des habitations (soit en béton/ toit en tôle soit en bois avec des palmes de cocotiers, soit un mélange des deux les murs en béton avec un toit en palme), des villageois : un vieux monsieur nous attend sur la plage ; il nous a vu entrer dans la baie à la voile et vient discuter un moment avec nous : savoir d’où nous venons, qui nous sommes..;il accompagne, avec le maître d’école, l’archéologue venu étudier les vestiges de la base de l’armée française installée à Port Sandwich, nous prenons le chemin principal dans la cocoteraie discutant avec le maître d’école : il a la barbe grisonnante, les yeux qui pétillent, on voit qu’il jubile à répondre à toutes nos questions et nous explique comment fonctionne le village, quel est le nom de tel arbre ou telle plante, au fur et à mesure que nous avançons sur le chemin, nous sommes salués par les villageois, qui nous donnent des fruits, leurs sourires, leurs bonne humeur, nous passons devant le tam-tam traditionnel qui est fait pour les fêtes, un tronc fendu sur le bas avec une tête sculptée en haut, les villageois font du coprah et le vendent pour qu’il soit ensuite transformé en huile, les noix de coco sont séchées avec du feu dans un séchoir en bois ; cette technique vient juste d’être introduite en Polynésie où traditionnellement on fait sécher les noix de coco au soleil. Au milieu du chemin, on se retrouve autour du lakamal, avec les hommes qui boivent du kava. Nous laissons ensuite notre accompagnateur qui continue tout au bout de la route vers sa maison, le village de Port Sandwich est très grand et s’étend jusqu’à l’entrée de la baie. nous rebroussons chemin pour aller au bateau. Nous refaisons les mêmes salutations aux mêmes gens qui ça et là se reposent dans leur jardin, nous croisons un villageois ancien policier français, qui nous retrace sa carrière de Tahiti jusqu’en Nouvelle Calédonie en passant par la France, il a même fait la circulation à Marseille ; en 1980, au moment de l’indépendance du Vanuatu, il a préféré démissionner et revenir dans son village. Quand on pose la question de l’indépendance au maître d’école, on se rend compte que cette question est totalement superflue tellement l’indépendance va de soi et est maintenant ancrée sans retour dans l’histoire de ce peuple.

 

Au bord de l’eau, près du quai, un feu a été allumé, on mange du laplap -de la banane plantain mélangée à du lait de coco agrémentée ici de palourdes et cuite dans des feuilles de bananier-, on grille des morceaux de cochon au bout d’un morceau de bois, on est invité à partager ce repas avant de regagner notre bateau. Marcelline, dans les bras le petit bébé de sa belle-sœur, nous a accompagné sur la fin du chemin et nous propose de revenir le lendemain pour prendre des papayes de son jardin.

 

La baie est infestée de requins paraît il, tous les guides le mentionnent même le noonsite du si rationnel Jimmy Cornell y déconseille formellement la baignade, pourtant on a beau observer la surface, aucun aileron de requin, aucun bruissement ou frôlement de squale, lorsqu’on en parle avec le maître d’école, il nous indique que c’est de la magie noire, une croyance fondée sur l’imagination, Marcelline elle nous affirme avoir vu des requins mordre sa pirogue et réprimande Alice si elle se baigne trop loin de la plage..

 

une pirogue faite d’un seul tronc d’arbre avec un flotteur sur le côté, traverse la baie, au rythme des coups de rame, va d’une berge à l’autre, laisse la marque de son sillage, une trace blanche dans la mer fendue, dans la mer se reflètent tous les arbres, la forêt entière qui s’épanche, répand son entité verte comme le ciel y répand sa masse gracile, ses volutes fugaces

vaches et veaux, taureaux sous les cocotiers, ou à la plage, se baignent dans l’eau de mer, ramenés par les chiens de garde, cochons en liberté dans les allées de terre du village

cacaotiers aux gousses grasses, banians aux multiples racines, badaniers, navel, pamplemousses roses, ignames, manioc, cannes à sucre, poivrier

appareil à pétrir le pain, appareil à broyer les racines de kava, plantés sur une dalle de ciment au centre du village, rouillés, comme des vestiges insolents de technologie

un homme est mort aujourd’hui,tout le village en parle, le même jour, la meute des chiens ramène le cochon qui sera tué pour le mariage de la semaine prochaine

un petit cargo arrive de nuit pour prendre et déposer des passagers, un autre bateau tout rouillé, penchant d’un côté, toute la nuit, les marins font la fête sous l’arbre près du quai.

une vingtaine d’enfants nous suivent lorsque nous marchons dans le village, ils se déplacent en bande, accélèrent, ralentissent en même temps, partent dans la même direction, éclatent de rire à tout bout de champs, leurs visages mobiles, leurs yeux ronds, leurs dents éclatantes, leur sourires, leurs corps agiles, l ‘avenir, quel sera leur avenir ?

 

 

 

Port Olry

 

Une dernière escale sur l’île de Espiritu Santo, à Port Orly, il y a un » Paris, Texas », un « Olry, Vanuatu ». Ici pas d’intense trafic aérien, juste le bruit intense des grillons et des cigales, les chants des oiseaux (tourterelles, hirondelles…) les cris des enfants qui jouent et se baignent au fond de la baie, le souffle de la mer qui roule, le bruit sec de la rame qui s’enfonce dans l’eau , on est entouré de forêt, un gros village est caché à l’intérieur, pourtant si près de la rive, mais on ne le voit pas, rien ne transparaît, la nature est intacte, l’homme insoupçonné.

Anatom, Tanna, Erromango, Efaté, Malakula, Espiritu Santo, Ambrym, Pentecôte, Ambae, Maewa,, pour ne nommer que les îles les plus grandes, plus au Nord, les îles Banks et Torres, des îlots des iles, aux noms chantants, les maleskines, malo aux noms changeants, Malakula s’appelle aussi malleculo, Gaua se nomme aussi Santa Maria, Raga est Pentecôte, le Vanuatu, les Vanuatu pourrait-on dire plus justement, plus de 80 îles, qu’en avons nous connu ? Je voudrais encore une fois en les nommant tenter d’étreindre ces îles, prendre leur douceur, le bruit de la forêt, l’aménité des gens.,

Iles abordées il y a environ 3500 ans par les papous de Nouvelle Guinée, révélées à l’Europe en 1606 par le portugais Pedro Fernando de Queiros qui croyait avoir découvert le continent austral et baptisa ainsi « terra austral del espiritu santo « l’île de Espiritu Santo, redécouvertes en 1768 par Louis Antoine de Bougainville qui les baptise « Nouvelles Cyclades », puis par James Cook en 1774 qui les renomme « Nouvelles Hébrides », puis abordées par La Pérouse, d’Entrecasteaus, Bligh qui apporta l’arbre à pain, Dumont d’Urville, .. îles fouillées, appropriées, violées, raptées lors du blakbirding, soumises, dépendantes et pourtant îles intactes, libres…

Fidi, Tonga, Vanuatu, plus au nord Wallis et Futuna, Samoa, Suvarov, des centaines et des centaines d’îles, plus d’îles inconnues que d’iles que nous avons connues, tant d’îles à toucher, de peuples, de mondes à connaître, et nous ne faisons que passer…