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Pierre la bière

Les enfants sont terribles.

Depuis notre départ, je ne peux plus boire une petite mousse sans entendre les commentaires d’Alice. A l’entendre on pourrait presque croire que je suis alcoolique alors que je poursuis simplement une étude scientifique entamée il y a plus de onze ans sur les us et coutumes houblonnées dans le monde. Etude que j’avais du mettre en suspens pendant notre escale Tahitienne car, bien que monument national tahitien, la principale qualité de la Hinano réside essentiellement dans son packaging et la ligne de vêtements qui y est associée. Il y a bien eu quelques louables intentions d’originalité gustative de la part de la brasserie de Tahiti (Bière au Uru (fruit de l’arbre à Pain), Hinano gold, Hinano ambrée…) mais qui n’ont pas su me séduire. Au point que, pendant les premières années de notre séjour tahitien, je buvais essentiellement de la Corona avant que son prix ne double inexplicablement du jour au lendemain ce qui m’a précipité dans les tentacules impérialistes de Budweiser (bud ice et bud light)…

 

Dès que le décapsuleur entre en action, émettant un charmant tintement suivit de ce petit lâché de pression qui a pour effet de faire apparaître quelques délicates bulles sur le goulot, j’entends une petite voix flûtée provenant des entrailles du bateau: « Papa, il ne pense qu’à la bière! »

Elle a l’oreille fine!

 

A bord, nous avons presque tous un surnom: Elanore le trésor, Lucile la luciole, Alice la malice… pour faire honneur à son surnom, Alice m’a surnommé : « Pierre la bière! »

 

Depuis notre départ de Tahiti, j’ai repris mon étude et me fais un point d’honneur d’aborder chaque pays visité à travers ses productions de bières locales, ce qui a pour effet de m’entendre répéter à chaque fois: « Papa, il ne pense qu’à la bière! »

Je vous épargnerais ici l’ensemble des détails de cette étude qui fait à ce jour plus de 250 pages illustrés de nombreux graphiques, photos et autres camemberts, mais je vous donnerais néanmoins quelques ressentis globaux.

Iles cook :

Il y a bien une bière locale (Matutu) aux iles Cook, et elle ne m’a pas laissé un souvenir impérissable car je n’en ai pas trouvé.

Niue :

J’ai noté avec regret que l’on ne brasse pas à Niue qui s’appuie sur l’importation de bières néo-zélandaises. Cette attitude n’est pas forcément à déplorer car à coté des marques de grandes diffusions (Steinlager, Foster …) on peut trouver quelques breuvages très sympathiques quand ils ne sont pas en rupture… (lire notre article « bricoleur de ponton »).

Tonga:

Petite anecdote. Lors de notre arrivée à Port Maurelle il y avait une bonne quinzaine de bateaux anglo-saxons (surtout américains, australiens, canadiens et néo-zélandais) et nous avons été invité à venir le soir sur ma plage faire un feu, discuter, et boire des bières. Je saute sur l’occasion et décide de me débarrasser une bonne fois pour toute du pack d’Hinano qui traîne dans le bateau, vestige de notre soirée de départ à Tahiti. En arrivant sur la plage, je propose mes bières à un grand américain qui ressemble beaucoup à George Clooney et qui se prénomme Jeff. En reconnaissant mes bières, il a un mouvement de surprise et les yeux qui pétillent. Il m’explique alors qu’il ne peut pas accepter car elles sont « so expensive » et qu’il ne veut pas m’en priver! J’ai d’abord cru qu’il plaisantait, mais non. J’ai du insister pour qu’il en accepte une (puis deux). 10 jours plus tard, en me retrouvant au marché de Neiafu, il me parlait encore des bières que je lui avait offert…

Revenons à notre étude… La Popa’o, (Ale) bière des Tonga, vaut le détour. j’ai également bien apprécié la Maka (lager), qui bien que tongienne est une bière brassée en Nouvelle Zélande et distribuée uniquement aux Tonga.

Fiji:

la principale marque de bière s’appelle … Fiji. Je ne sais pas trop pourquoi ils ont choisi le nom d’un archipel perdu au fin fond du pacifique, enfin peu importe, je n’ai pas de leçon de marketing à donner… Fiji (la bière) se déclinent en de multiples variantes: Fiji Bitter (pale ale), Fiji premium (lager), Fiji gold (pale ale) … Ma préférence va à la Bitter qui est aussi la plus commune. On trouve également une sympathique lager dénommé « Vonu » (tortue).

Vanuatu:

A Port Resolution, Rafaël et Emma, ont tenu à participer à mon étude en ‘offrant 2 échantillons de « Manta », la bière de Nouvelle Calédonie, ce qui, après avoir goûté la Tusker (pale lager), la bière des Vanuatu, me conforte dans le sentiment précédemment développé à Tahiti que l’influence française dans le monde est désastreuse en matière de bière…

 

Je conclus ici, Alice arrive… Hips!

 

 

 

Si dieu existe, c’est un ivrogne…

Au commencement, nous n’avions pas prévu de passer par Mopelia.

C’est en discutant avec René que l’idée a germée et a grandi, idée déjà semée par l’équipage de Philémon dont nous avions eu des échos. René nous a même donné de bons conseils pour y aller: arriver tôt le matin pour éviter les plus forts courants, et surtout prendre sur la droite en sortie de passe afin de passer dans la partie la plus profonde. Consciencieusement, je visualise la carte que j’ai déjà étudiée, je me projette dans l’action et j’anticipe la trajectoire.

Quand j’étais petit, très jeune j’ai voulu aller à l’école. Il n’y avait pas de section de maternelle à Janville sur Juine. J’ai donc intégré l’école Sainte-Ernestine de Lardy, une école catholique tenue par des sœurs.

J’étais gaucher et l’une de ces sœurs m’a cru possédée par le diable et a décidé de me sauver de la damnation.

Cela fait partie des souvenirs de ma petite enfance dont je me rappelle le mieux et de façon très visuelle: une longue tablée  d’enfants dessinant les uns à coté des autres, et la sœur, (je ne me rappelle que sa petite silhouette grise) qui, chaque fois qu’elle passait derrière moi, m’enlevait le crayon de la main et me la mettait dans l’autre en me disant que c’était mal .

 

Au final, ses manœuvres auraient pu être sans conséquences, puisque je suis resté gaucher. néanmoins, elle m’a marquée à vie: En arrivant en CP, j’écrivais de droite à gauche. j’ai repassé le permis de conduire à 3 reprises et je confonds systématiquement ma gauche et ma droite (sauf lorsqu’il s’agit de voter).

 

C’est ainsi que dans sa sagesse infinie, le très-haut a ourdi son complot tel un vulgaire naufrageur pour nous faire sortir du chenal et se repaître de nos âmes innocentes…

 

Ce qui est amusant, c’est que si René m’avait dit qu’il fallait passer à tribord, je n’aurais pas eu de sujet pour cet edito!

 

Nota: Je ne sais pas si je suis encore possédé par le diable, mais au vu de ce qui se fait et s’est fait dans le monde au nom des religions, le diable me parait bien plus sympathique que tous les dieux revendiqués.

Ecrit sous le spi

3,5 nœuds, avec le spi , en route pour les îles Cook, cette allure de paresseux permet toutes les calligraphies. Lire, écrire, regarder l’horizon, avec ce programme, je remplis tous mes agendas pour les années à venir. Débarrassé de toute trace de terre, l’horizon est devenu convexe et complexe, où que porte le regard, il y a cette limite inaltérable de l’horizon. La mer n’est pas sans fin, elle est une fin sans cesse déplacée jusqu’à ce que l’île apparaisse.

Nous avons quitté Mopelia hier vers 5h de l’après midi, le soleil était droit dans la passe et l’eau était devenue métallique, rien ne transparaissait, ni les rochers sous l’eau, ni les abords de la passe, il fallait presque y être dessus pour les voir, enfin on est passé, on a franchi les deux piquets qui annoncent la passe, ici pas de balise rouge et verte, pas d’amer ni d’alignement pour juger du chemin.

A l’arrivée dans la passe il y a 10 jours, nous avons longé le côté gauche de la passe ; René, un copain de Tahiti nous avait dit de passer à droite mais Pierre confond la droite et la gauche… J’étais à l’avant du bateau, ayant vu les rochers sous l’eau, je me suis retournée pour avertir Pierre, hélas, personne à la barre, je me précipite donc à l’arrière en même temps que Pierre qui ayant consulté la carte à l’intérieur du bateau et y ayant constaté la présence des rochers à faible profondeur, se précipite aussi à la barre, le bateau étant à faible vitesse, nous commençons à mettre la marche arrière et là nous voyions un petit bateau de pêche prendre la passe par la droite et nous faire signe « allez y tout droit », nous remettons le moteur marche avant, et nous passons au ras des rochers grâce à notre petit tirant d’eau, c’est ainsi que nous sommes entrés à Mopelia par la gauche et que nous sortons de la passe par le bon côté cette fois ci, mais toujours la gauche dans ce sens là…

Nous n’avons pas vu disparaître l’île de Mopelia, Nous nous sommes enfoncés dans la nuit avec encore dans le dos la présence de l’île. Voir l’île petit à petit, s’amenuiser, se confondre avec l’horizon, puis n’avoir plus d’existence, la nuit nous a pris cette image.

Voir disparaître une île, la voir s’effondrer, s’enfoncer dans l’eau jusqu’à disparaître est fascinant

Si j’avais une installation à faire, ce serait celle là : filmer l’île qui disparaît, filmer la disparition le tangible de la disparition.

 

Le lendemain.

Devant le bateau au bas du ciel, des gros cumulus, au dessus la bande étirée de nuages comme des trais, des griffures, encore au dessus, des nuages comme de la poudre, écrasés au pillon, au delà le bleu gris du ciel ; comme toujours lorsqu’on ne voit plus de terre, en pleine mer, le ciel est divisé en différents tableaux, chacun sa composition, chacun ses couleurs, et même à l’intérieur de chaque tableau, on trouve des nuances de couleur et de formes de nuages, il y a une telle diversité de ciels que c’est bien des ciels que nous voyions, ce pluriel pris au langage des peintres et non des cieux.

 

Hier Alice et moi, nous nous sommes presque endormies, en regardant les étoiles, serrées l’une contre l’autre, contre le filet, balancées par le bateau ; et ce matin, c’est le spi largement déployé qui nous accueille sous son aile, « Enjoy » exhorte t-il ! Sur un fond de rose délavé, il y est écrit « enjoy «  avec une petite fleur sur le point du J, dessus une sirène à moitié sortie de l’eau souffle, elle souffle le vent, elle souffle les mots, « enjoy » »enjoy » nous dit elle, « profite » « profite ». Les premiers propriétaires du bateau avaient peint des bandes roses sur le bateau, écrit « enjoy » en rose sur la coque et fait faire un spi rose. Ils y croyaient donc à leur rose, à leur « enjoy ». La voile est un peu défraîchie maintenant, le rose un peu délavé, mais la voile est là, bien gonflée par le petit vent, profitant du moindre air pour faire souffler la sirène. Nous pêchons un thon de 15kg et l’enjoy est toujours là. Après, l’enjoy a été plus difficile, 40-45 nœuds de vent qui s’abattent d’un coup – la sirène avait t »elle trop soufflé ?_ après l’allure de paresseux, l’allure de la fuite, nous prenons en effet la fuite, sous la menace des éclairs, allant dans le sens du vent, à sec de toile, après que Pierre se soit débattu avec les écoutes de génois pour enrouler la voile. Nous allons à 6 nœuds !Heureusement, la mer n’est pas trop agitée et nous attendons à l’abri dans le bateau, que le temps se calme, ce qui enfin arrive à 4h30 du matin, le mauvais temps passé, nous reprenons une navigation presque tranquille, vent de travers de 20 noeuds avec encore une nuit en mer. L’île d’Aitutaki apparaît au matin, poussant de son dos la ligne d’horizon, comme un éléphant sous un chapeau et nous voilà aussi émerveillés que le Petit Prince de retrouver sa planète.

 

Mopelia

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A Mopelia on s’est beaucoup amusé. Les habitants de là-bas nous ont appris à pécher avec de gros bernard-l’ermite. Il faut planter l’hameçon dans le ventre du Bernard-l’ermite, nous avons essayé mais ça n’a pas marché parce qu’il y avait des remoras et des requins sous le bateau, et qu’ils venaient à chaque fois qu’on jetait quelque chose à l’eau.

Papa a réparé leurs panneaux solaires et en échange ils nous ont donné du thon, on est allé cherché des crabes de cocotier avec des lampes torche, j’en ai vu un toute seule et Papa a failli marcher dessus. On a pu voir aussi un crabe dans son trou.

Un jour, en revenant de promenade, j’ai voulu que le crabe de cocotier casse un bâton, je lui ai mis dans sa pince mais il ne l’a pas lâché jusqu’à ce qu’on le fasse cuire.

On est allé cherché des bigorneaux 2 fois. La deuxième j’y suis allé toute seule avec Papa, c’était tout au bord du platier et il y avait une baleine.

Ils nous ont donné aussi, des oeufs de Sterne, des papayes, on est allé chercher des bénitiers avec eux, ils nous ont donné de la pota, des haricots verts et il y avait un pécheur qui leur avait donné de la tortue et ils l’ont partagé avec nous.

 

 

Maupiti – Mopelia

Maupiti

ce qu’on nous avait dit de Maupiti la passe pas très large et en zig zag le courant fort dans la passe, c’était vrai mais personne ne nous avait parlé de cette paroi rocheuse au pied duquel se trouve le village, c’est assez impressionnant : le village se situe sur une bande de terre étroite limitée d’un côté par le lagon, de l’autre par la paroi abrupte et nue de la roche, comme si les habitants de l’ile vivaient en permanence adossés à un mur, ou se pourrait il, comme s’ils vivaient au pied du mur ? Car dans cette bande de terre que constitue leur territoire, les villageois cohabitent étroitement avec les morts : des terrains petits et devant les maisons, se trouvent les tombes ; c’est traditionnellement qu’en Polynésie les tombes se situent dans les terrains familiaux, mais du fait de l’étroitesse de la bande de terre, les morts se retrouvent aux portes des maisons. A tel point que le toit en bois peint qui surplombe parfois la tombe sert aussi de support pour aérer les matelas,et d’abri pour la débroussailleuse…

un petit lagon, une bande de terre étroite, une muraille de pierre dans le dos, les morts avec les vivants, c’est ainsi que l’on semble vivre à Maupiti… C’est un petit monde en soi, on a un peu l’impression de vivre en vase clos, du vivant au mort, de ce fait, le passage de la passe, comme une épreuve, avec ses risques d’échouements et de situations critiques par temps mauvais, ressemble à un passage du Styx par Charon, un jour on fait le chemin inverse et on retrouve le libre océan.

 

 

Mopelia du 12/08/2016 au 20/08/2016

Mopelia- Maupiti, les deux îles sont liées car les habitants de Mopelia viennent tous de Maupiti, mais ces deux îles sont exactement l’inverse l’une de l’autre, Mopelia c’est un monde libre, un lagon à perte de vue, une île corallienne sur laquelle une vingtaine d’habitants vivent, ou plutôt organisent chaque jour leur survie et trouvent leur moyens de subsistance dans la nature environnante.C’est la puissance du vivant, l’état de survie avec toute l’intensité et la force que cela implique, le monde végétal et animal par opposition au monde minéral de Maupiti,

 

 

Maupihaa en tahitien, Mopelia en Français, une île inexistante à l’échelle d’une planisphère, inconnue de la marche du monde, invisible aux yeux de tous, et pourtant tellement grande par le monde qu’elle nous révèle, le monde du cœur avec l’accueil et la générosité de Marcello et Adrienne et leurs enfants Fai, Karina et Hio. et le monde puissant de la nature.

Dans la cabane de Hio

Dans la cabane de Hio

Les oiseaux, sternes et fous de Bassan, mouettes, par centaine tournent dans le ciel lorsque nous arrivons à l’approche de l’île, les requins, jusqu’ à 9 requins autour de notre bateau, lorsque nous jetons l’ancre , 20 rémoras éliront leur domicile sous notre coque. , la baleine et son baleineau que nous observons depuis le récif, coquillages, bénitiers , crabes de cocotiers, poissons juvéniles entremêlés au corail…

On y a appris des choses essentielles telles que pêcher avec un Bernard-l’Hermite, faire du feu à la bourre de coco, faire du ipo, chasser le crabe de cocotier.

Ceux qui vivent ici ne possèdent pas beaucoup de choses et pourtant sont à l’abri de tout, leur vie est magnifiée par l’essentiel, chasser, pêcher, cultiver le potager, faire du coprah. Sur la lande de sable, entre lagon et océan, ils ont construit avec des tôles leurs cabanes pour dormir que les enfants s’empressent de visiter, comme des maisons de poupées géantes.

 

 

Hio nous parle de Moitessier et de son expérience sur l’île de Ahe pour planter des graines et faire pousser des plantes dans le sable, Hio plante toutes les graines dont il dispose, « tamata » nous répète il, après Moitessier, il faut essayer. Et ce sont bananes, papayes, pota, vigne, poivrons, salade qui poussent … dans le sable…

Omelettes d’œufs de sternes, thon cru, poulet, plat géant de spaghettis (Elanore m’a dit qu’elle n’en avait jamais vu autant ), nous sommes invités à leurs repas gargantuesques et ne le dites pas, nous nous transformons alors en ogres (mais nous ne mangeons pas les enfants qui lisent ou apprennent à lire les histoires). La veille au soir, nous mangeons dans leur campement au sud de l’île, des bénitiers que nous avons récoltés, qui ont cuits dans du lait de coco au curry dans une grande marmite de sorcière bien noire, posée sur un feu de bourre de coco.

 

 

Nous allons chercher des crabes de cocotiers la nuit à la lampe électrique ; ils ont des pinces énormes, une carapace de gladiateur, une allure préhistorique, ils vivent dans la forêt de cocotiers, et nous les surprenons à la lumière de nos lampes ou bien nous les extirpons de leur trou mais c’est avec traîtrise qu’ils sont pris , attrapés par le dos (à quoi leurs sert donc leurs pinces énormes) ; au campement, ils sont suspendus à des fils, tels des damnés moyenâgeux , avant d’être jetés dans une grande marmite d’eau bouillante.

 

 

Sur le récif, pendant que nous récoltons les coquillages : au loin de l’autre côté du récif, nous observons une baleine et son baleineau, pendant plus d’une heure et au près, dans 50 cm d’eau, des poissons minuscules dans le corail rose.

Pierre comme envoyé des dieux, répare leur installation solaire.

Le soir nous sentons le feu de la bourre de coco sur nous, même revenus au bateau. La vie sauvage nous gagne.

Nous quittons l’île un soir d’inconscience.

 

Raiatea, Tahaa, Bora Bora

Raiatea, Taha’a, Bora Bora du 4 août au 11 août 2016

Je voudrais encore retenir par les mots ce qui s’en va, Tahiti, le poisson échappé de Raiatea., Raiatea le domaine des dieux, qu’abrite la baie d’Opoa, Taha’a, la nudité, qu’un détroit sépare de Raiatea.

 

 

Taha’a, son bleu turquoise se déroule jusqu’à la barrière de corail, son bleu foncé s’étend jusqu’au vert des montagnes, nous passons d’un mètre de profondeur à trente mètres en faisant un écart, un mouvement de la barre, un saut de dauphin, la profondeur se mesure à une nuance de bleu, chez Cézanne, le rouge est ce qui est près, le bleu ce qui est éloigné, pour nous c’est le bleu qui nous sert de repère, qui nous guide et nous porte, le bleu qui devient parfois noir, blanc, vert, rouge, le bleu de la mer, le bleu du ciel.

Le bleu turquoise de Taha ‘a se déroule jusqu’à la barrière de corail d’où surgit la masse noire de Bora Bora, le soir au soleil couchant, le rouge ronge le bleu, puis le noir redessine tous les contours,les pleins, les intérieurs, les extérieurs, et à l’horizon le volcan à moitié effondré de Bora Bora s’effondre tout à fait.

 

 

Pendant que les raies mantas dans le chenal entre Raiatea et Taha’a tournent autour du corail, tournent et volent, les enfants observent dans le bleu turquoise sous le bateau, ,deux Bernard l’Hermite qui traînent leur grosses coquilles au fond de l’eau et laissent leurs traces dans le sable blanc, et nous voilà Bernard-l’Hermite, Sisyphe de l’océan, traînant notre coquille, notre caracol, et voguant, voguant…

 

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Bora Bora, « île de lumière »

Je mets à mon doigt la bague de Bora Bora et l’alliance est consommée , entre le volcan et les motus, on navigue dans le lagon, on pourrait dire on navigue dans le turquoise tellement la couleur est uniforme, un fond de sable blanc de 1m50, un soleil d’aplomb, du vent, le voilier file et nous le laissons filer sans bride, dans le pur plaisir de le sentir filer, une raie léopard s’enfuit à notre passage, tache noire que l’on suit, est ce une ombre, l’ombre de la raie que l’on suit, ou suit-on la raie elle-même ? est ce Bora Bora, dont le seul nom est collectivement évocateur de rêve , ou est ce bien l’île que nous voyions ? Peut on encore voir Bora Bora ? Où sommes nous là pour trouver un rêve de Bora Bora ? Pourquoi dire deux fois Bora, comme s’il fallait répéter deux fois son nom comme un souvenir de rêve pour appréhender sa réalité ? L’île est dominée par un volcan, noir, abrupt, et définitif, qui crée l’équilibre avec le lagon bleu, ondulant et mouvant. On comprend pourquoi cette île a fasciné les voyageurs, pour ne citer que Paul Emile Victor, Alain Gerbault et que les gens du monde entier viennent la visiter. Pour cette radicalité, ce graphisme entre ligne verticale et ligne horizontale, entre ce turquoise du lagon et ce noir du volcan ? A chacun son rêve…

Entre les petits îlots aux cocotiers ébouriffés et les collines vertes de l’île, nous naviguons, nous ne choisissons pas, ni avec les uns, ni avec les autres, nous ne faisons que passer, regarder, s’interroger, entre les hôtels de luxe et les maisons ordinaires, nous ne faisons que passer, entre ceux qui sont en vacances et ceux qui travaillent, nous ne faisons que passer, nous sommes entre deux…

 

 

Nous mouillons près du voilier des Biquets. Le sable au fond de l’eau est tellement doux que nous restons en apnée, rien que pour le toucher et avoir l’impression de mettre nos pieds dans des chaussons de princesse. On a rencontré les Biquets au Panama, recroisé à Tahiti à plusieurs reprises et nous les quittons à Bora Bora, avant qu’ils nous rejoignent en Asie ? Qui sait? Ils nous font le cadeau de nous indiquer où se trouvent les Raies Mantas et ce sont cinq belles raies Mantas que nous avons la chance d’observer dans l’eau avec le masque. Grâce de papillons géants, ombres fantastiques, une raie fonce vers nous, la gueule ouverte, les branchies apparentes, une autre tourbillonne à la verticale, une autre nous regarde de ses yeux décalés, et « je ne sais pas quel est le plus étonné des deux » ? Une autre s’éloigne, dans l’eau trouble, battant des nageoires, volant, et comme dans un film ancien, à l’image brouillée, quitte l’écran, image qui s’efface, s’imprime dans la mémoire, invite au songe…

Sur une des collines de Bora Bora, nous avons remarqué une petite porte en bois qui donne directement dans la montagne, oui tout cela est vrai, je l’ai même photographiée, et comme de la bouche des enfants, sort toujours la vérité, les enfants vous le répéteront, il y a cette petite porte en bois qui donne dans la montagne, je ne sais pas si la colline abrite des hobbits ou autres créatures minuscules, il nous faudra un autre voyage pour ouvrir la porte…

 

 

Dire la réalité de ce voyage me dépasse, je me sens désarmée et impuissante, tellement de choses vues et de différence entre les mots et la réalité et pourtant il lui aura suffit de tremper la madeleine dans du thé pour que ressurgisse la sensation et par les mots retrouver le temps qui s’était enfui.

Le voyage se fait de l’extérieur du bateau et de l’intérieur du bateau, comme si à l’intérieur même du bateau il y avait à nouveau un monde à explorer, des bibliothèques à relire, à découvrir, bien souvent, je m’installe dans les cabines des enfants et j’explore leur bibliothèque, c’est tout ce temps perdu qui nous aura manqué ces dernières années, j’ai effacé tous mes rendez vous, pour retrouver une page blanche, à écrire.

Huahine… deux

C’est un samedi, en plein mois de juillet que l’ école du bateau a commencé. A la demande des enfants qui la veille m’ont pressé de commencer la classe, nous donnons nos premiers cours de français et de mathématiques, les enfants m’appellent maîtresse…

 

Huahine au bord de l’eau : on retrouve la petite place du village qui longe la baie, la buvette chez Guinette, la Halle où se sont déroulées les cérémonies funéraires de Henri Hiro et où maintenant campent les buveurs de Hinano, les pêcheurs qui ramènent leur prises, deux gros thons jaunes « balaise » commente un des pêcheurs, une dorade coryphène, un thazard, les vendeurs de fruits et légumes, le petit chemin pour aller à la plage, entravé par une vahine bien corpulente, la soixantaine, allongée sur son pareo, topless, et ficelle dans les fesses, les enfants qui jouent sur la plage, la bière dans les verres amenés sur la plage, les cerfs volants blancs qui flottent dans le ciel, le supermarché Superfare, point orgiaque de la consommation à Huahine, la douche en plein air au port, la course de vaa’a, le verre que l’on prend dans le bar qui n’est ni la casa bianca ni avec les amis…

 

Huahine-trop- de-vent, des rafales de 30 nœuds au mouillage, la frite et un saladier qui s’envolent, on a une nuit pour imaginer la chaîne de l’ancre se tordant dans le corail, ça suffit, il est 14h, on change de mouillage, direction le sud de l’île, nous longeons les montagnes de l’île, nous passons devant l’écrin vert de la plage de Ana iti, mais le fond étant jonché de corail, à 7 m, aucune bouée d’amarrage n’étant libre nous poursuivons jusqu’à la baie de Parea. 10 bateaux au mouillage, 10 mètres de fond sans connaître la nature du fond (corail, sable ?), advienne que pourra, nous jetons l’ancre, et allons nous baigner à la plage. Autour du ponton de l’hôtel, les poissons stagnent, Pierre a un lumbago qui ne veut pas passer.

 

 

De retour vers Fare, nous longeons à nouveau la plage de Ana iti, le mouillage est libre de tous bateaux, nous prenons une bouée. En annexe, nous allons au fond de la baie, nous laissons l annexe près de la maison de Terii, un vieil homme nous accueille, nous lui expliquons qu’il y a 8 ans, nous étions déjà venus dans cette partie de Huahine, et avions habité pendant deux mois la petite maison de Daniel, nous avions par la suite rendu visite à plusieurs reprises à la sœur de Pierre et à sa famille qui avait loué la maison de Daniel pendant un an ; la route a été goudronnée, Doris a quitté sa maison et ses plantations de vanille, les pit-bulls  ne sont plus là, mais les arbres, bananiers, papayers, arbres à pain, manguiers, toute une présence végétale est là c’est cette permanence végétale que nous pouvons montrer à nos enfants, avec la mer entre les deux îles Huahine iti et Huahine Nui, qui glisse un bras dans le végétal et crée le passage ; Elanore a fait ses premiers pas dans la petite maison, maintenant avec ses deux sœurs, elles courent sur la route, dans l’ombrage des arbres.

 

 

 

Sur la plage de Ana iti, Siki l’inquiétant, est toujours là, il est le gardien autoproclamé de la plage, sa pirogue un peu rafistolée est toujours là, sa petite cabane dans laquelle il expose ses colliers toujours là, et lorsque nous allons vers lui, bien sûr qu’il se souvient de moi, son obsession première étant les femmes, il nous raconte les femmes qui sont passées ici, il nous raconte celui qui est devenu aveugle, il nous raconte les tempêtes humaines de la plage…il nous ramène de la forêt trois belles papayes, puis s’en va en pirogue sur l’autre rive, récupérer de l’argent qu’on lui doit, me dit il. Un homme aborde notre bateau, il est venu en pirogue, et même muet, il arrive à se faire comprendre, il habite de l’autre côté de l’île, à Tefareri, il nous invite à venir voir sa plantation de cocotiers. Nous laissons passer l’invitation, un autre voyage nous attend, et nous remontons vers Fare.

 

C’est l’imprévu, l’inattendu, la panne, le dessalinisateur ne fonctionne plus, nous voilà contraints de revenir à Moorea, où se trouve le réparateur, Gilles évidemment nous faisons un détour par Tahiti, le temps de boire quelques coups avec nos copains de la marina, tous étonnés de nous revoir là, c’est vraiment une aubaine, et loin de nous obliger, cette escale imprévue nous ravit; nous ne faisons pas à nouveau un pot de départ, et même Arnaud part avant nous (en avion et en Norvege!), le voyage commence bien, avec ses calendriers chevauchés, ses dates bouleversées, ses allers retours, ses adieux bonjours, et avec la certitude que Tahiti ne se quitte pas, que cette île est toujours à notre portée…

Clearance

Aujourd’hui: formalités de départ, gazole et avitaillement.

 

Ce matin à 9h05 nous avons salué une dernière fois les Biquets et quitté le mouillage idyllique de l’est de l’île pour nous rendre à Vaitape. Les bungalows sur pilotis repassent devant nous. Le lagon est toujours aussi turquoise. Nous déboulons sous voiles au travers. 7 à 8 Noeuds, pour 15 noeuds de vent. pas une vague, ça glisse.

A 11h00 nous sommes au mouillage, nous avons même fait le plein de Gazole à la station. Efficacité Maximum.

Sur cette lancée, préparation rapide du repas, je renverse l’omelette au moment de la sortir du feu. Il y en a partout, jusque sur les placards! L’efficacité se rebiffe!

 

12h43: Tout le monde embarque dans l’annexe y compris les passeports et l’acte de francisation, et direction la gendarmerie. Facile à trouver, elle se trouve en face de la Marina. Malheureusement, Elle est fermée elle n’ouvre qu’à 14h00 et il est 13h00… Nous décidons d’aller au « Maikai » le restaurant auquel appartient la bouée à laquelle nous nous sommes amarrés, histoire de voir les possibilités de lessive, l’accès internet, le prix des Mojitos et si il y a un Happy Hour…

 

Il y a un Happy Hour et… Une piscine!

 

Nous essuyons un début de tentative de mutinerie… Un groupuscule constitué des 3/5ième de l’équipage veut aller à la piscine tandis que les 2/5ième restant (composés du Capitaine Pierre « Bligh » et de sa fidèle Bosco Hélène) ont décidés de s’en tenir au programme fixé. Après d’âpres négociations (et promesses de glaces), un accord est trouvé: il y a aura piscine une fois que les formalités et les courses seront faites.

 

Dans la salle de restauration du Maikai, les gendarmes sont attablés… Peu d’espoir de voir la Gendarmerie ouvrir plus tôt.

 

Nous retournons au quai. Pour faire passer le temps, nous visitons le marché artisanal. Les consignes sont données à l’équipage:

-« On n’achète rien, on cherche des idées de bijoux que l’on pourrait faire nous même, et on ne touche qu’avec les yeux! »

Alice applique les consignes au pied de la lettre et fait tomber une rangée de statuettes en essayant de les toucher avec ses globes oculaires…

 

Nouvelle tentative de mutinerie. un « Ukulele » avenant séduit La Bosco, l’équipage en profite mais le Capitaine Pierre « Bligh » rappelle a tous que son deuxième prénom est « intransigeant ». Nous repartons donc les mains vides (sauf Lucile qui a trouvé 2 coquillages par terre).

 

La gendarmerie ouvre: début des formalités. Il faut remplir 6 documents différents. Rapidement je me rends compte que les renseignements demandés sont les mêmes … mais dans le désordre. Bien sur, sur chaque document, il faut les noms et prénoms de chaque membre d’équipage. les cases pour les noms de famille sont trop petites… sauf pour celui d’Hélène. Elanore me soutient et s’intéresse au travail des gendarmes. Elle leur demande pourquoi son Papa doit remplir 6 fois un document contenant les mêmes renseignements. Il lui explique qu’il y en a un pour eux, un pour les douanes, un pour l’immigration, un pour la demande de clearance, un pour le port autonome et le 6eme, on ne sait pas pour qui il est, mais c’est le plus important.

Elanore veut toucher les menottes et le pistolet. Avec Lucile, elle s’intéresse au drôle de petit bâton (une matraque télescopique) que le préposé porte à sa ceinture. Bon enfant, celui-ci leur fait une démonstration. Pendant ce temps je fini de remplir mon 3eme formulaire et j’ai déjà mal à la main.

Un gendarme revient avec le premier formulaire: sur l’imprimé il n’y a qu’un seul membre d’équipage de prévu (pas fou je ne l’ai pas signalé, et n’ai mis qu’un seul nom, le plus court). Conciliabules entre les gendarmes, comment procéder, le dos de la feuille est vierge… Finalement l’un deux propose de faire une photocopie des passeports et de les joindre au dossier. J’applaudi intérieurement à cette prise d’initiative.

Pendant que 2 gendarmes s’échinent à faire fonctionner la photocopieuse, je remplis les 2 derniers formulaires.

Signature, tampons (paf!, paf!, paf!) tout est en ordre, les gendarmes nous souhaitent bon voyage et nous sortons. Il est 15h.

 

Direction le supermarché. Nous laissons l’annexe à la pompe à essence et nous y rendons à pied (100m) avec un diable et des cageots pliants. Nous sommes très déçus: nous voulions acheter du frais… il n’y en a pas. Hélène voulait des lardons et fait la tête car elle adore les lardons. Je lui explique qu’elle en a déjà 3 et qu’il faudra s’en contenter.

 

Retour au bateau, rangement des courses: l’équipage est déjà en maillot de bain et peste contre les officiers qui se font attendre.

 

17h15: la piscine du Maikai est prise d’assaut. Bonne nouvelle, c’est l’Happy Hour* et il faut qu’on dépense nos derniers francs pacifique! Mauvaise nouvelle, Les Mojitos ne sont pas servis pendant l’Happy Hour… Nous nous rabattons sur des Maitai qui s’avèrent excellents.

 

18h30: il fait nuit, nous décidons de rentrer. Alice saute immédiatement dans la piscine…

 

23h45: je termine cet édito. demain nous quittons officiellement la Polynésie Française (mais il est probable que l’équipage voire le capitaine insistera pour une petite halte… Maupiti et Mopelia sont sur le chemin!).

 

 

Le Mari de la Pirate

 

 

(*) Pour ceux de nos lecteurs (et en particulier ma mère) qui ne savent pas ce qu’est un « Happy Hour »: Il s’agit d’une tradition Anglo-saxonne qui gagne à être connue: entre 17h et 18h, les pubs, bars et autres débits de boissons proposent 2 verres pour le prix d’un 1, ce qui a 2 conséquences: fidéliser les clients et savonner un peu plus la pente de la décadence sur laquelle les pauvres navigateurs sans défense se sont aventurés.

 

 

 

Huahine, l’éternel retour!

Depuis le premiers séjours dans la cabane de la baie de Bourayne et les premiers pas d’Elanore en passant par les aventures de la famille SIAU, On ne compte plus les retours à Huahine.
Huahine, c’est notre première étape sur la route de la chine.
Quand j’ai annoncé, on part les enfants, Alice a demandé « on va où? » -« En chine! »
-« en chine? C’est vrai? » a-t-elle répondu avec les yeux grands écarquillés n’osant pas croire que le moment du départ était arrivé.
-« c’est pas une blague? On part en chine! »

 

Instant nostalgie pour les connaisseurs…

 

Départ: mardi 19/07/16 à …

Ce sont les amis qui lâchent les amarres, les parents qui coupent le cordon, le jour qui vient après la longue nuit, ils sont là les amis sur le quai, à attendre la délivrance, heureux de nous voir partir et tristes de ne nous voir partir, heureux et tristes comme nous, heureux de partir et tristes de quitter Tahiti, Tahiti s’échappe de nous à la nuit, comme une naissance l’heure du départ n’était pas prévue, il fait déjà nuit quand nous partons, Tahiti dessert son étreinte, dessert le nœud coulant, ouvre ses bras, nous laisse aller. Le quai éclairé sous une lumière jaune, les bras qui s’agitent, les formes qui se diluent, nous prenons le chenal puis la passe de Taapuna bordée des bouées vertes et rouges, cherchant l’axe médian, l’équilibre, avançant attentifs, de chaque côté le bruit de l’écume, la frange de vague dont le blanc éclate dans la nuit, c’est le couloir d’une naissance, les dernières bouées, nous sortons de la passe puis gagnons la pleine mer, nous partageons l’intimité de la nuit.

Tahiti est en feu, des feux dégringolent de ses montagnes, il y a la masse noire, le gros cône volcanique de l’île et toutes les lumières des maisons qui scintillent et Tahiti garde le feu, la lumière, le repère, nous fonçons dans la nuit, c’est ce que nous croyons, car soudain, de derrière la montagne, la lune surgit, énorme et implacable, implacable sa lumière, implacable sa force, implacable son empreinte, elle est comme un doigt pointé sur nous qui nous dit « tu dois y aller », je n’avais jamais ressenti une telle force,

des que nous nous sommes suffisamment éloignés de la passe, nous hissons la grand voile, déroulons le génois, et nous filons, un vent de 20 nœuds de travers, nous filons à 8 nœuds ; après une improvisation de pâtes à la bolognaise, les enfants trouvent leur place dans le carré, sous la table, sur les banquettes, ils s’endorment, je n’ai pas vraiment le cœur à dormir, et comme le réseau téléphonique passe, j’envoie des sms, je reçois des retours bienveillants « bon vent » «  bon voyage »… « tu ferais mieux d’assurer la veille plutôt que d’envoyer des sms Lol »…le vent a maintenant un peu faibli, 17 noeuds grand largue, le bateau glisse, avec une telle aisance, une telle facilité, tout devient tellement facile, évident, il suffit de sentir le vent gonfler les voiles, d’entendre la coque frotter la mer, de sentir cette poussée extraordinaire du vent,

nous renaissons à la nuit, au vent, au bateau qui court dans les vagues, au long sillage. Nous n’avons plus d’identité que celle du sillage, nous n’avons qu’une identité celle du vent, qu’un cœur de nostalgie lourd des départs, un cœur frissonnant des arrivés,

nous étions tellement occupés par tous les préparatifs du départ et maintenant tout est clair, facile, le bateau qui trace dans le vent, le vent qui souffle, la mer fendue par l’étrave, dans le ciel, le sillage parallèle laissé par la lumière de la lune.

Tahiti s’efface, diminue, ses lumières ne sont plus que traces dans la nuit, je me retourne encore, et elle n’est plus là.

Le froid, la fatigue, à minuit, je m’endors tout habillée, polaire, veste de quart, pantalon et chaussures, Pierre assure le relais de la veille et à trois heures, quand il me réveille pour aller dormir, j’ai vraiment encore envie de dormir, tous les quart d’heure, je fais un tour d’horizon, nuit, vent, lune, pas de bateau à l’horizon, pas de changement dans l’allure, la trace du bateau sur l’écran s’allonge et suit la route indiquée, en fin de quart, je surveille les feux tricolores d’un bateau à l’horizon, rouge sur vert, mais il est si loin, 6 heures, le jour s’est levé, un petit jour faible et geignard et moi je vais me coucher, aucune île en vue encore, pourtant si proche sur la carte, Pierre se réveille, quand il est 9 heures, je me lève d’un coup et sors du cockpit pour voir l’île « elle est où ? » comme une évidence, elle est là, avec ses reliefs propres à elle, ni Tahiti, ni Moorea, qu’on avait l’habitude d’observer, l’ile de Huahine apparaît, toute déglinguée, toute accidentée, avec ses pics et ses montagnes, toute proche aussi, mais il nous faut encore une bonne heure pour la contourner et arriver à la passe, un quinzaine de bateaux sont déjà au mouillage, vingt , vingt cinq en fait après décompte, nous cherchons, nous tournons à plusieurs reprises pour trouver une place au mouillage, c’est finalement près de la montagne en forme de femme enceinte couchée que nous jetons l’ancre, la tête renversée, le ventre proéminent, les seins qui pointent vers le ciel, il paraît qu’elle est en train de donner la vie, et nous, nous renaissons au voyage.

 

 

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