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Si dieu existe, c’est un ivrogne…

Au commencement, nous n’avions pas prévu de passer par Mopelia.

C’est en discutant avec René que l’idée a germée et a grandi, idée déjà semée par l’équipage de Philémon dont nous avions eu des échos. René nous a même donné de bons conseils pour y aller: arriver tôt le matin pour éviter les plus forts courants, et surtout prendre sur la droite en sortie de passe afin de passer dans la partie la plus profonde. Consciencieusement, je visualise la carte que j’ai déjà étudiée, je me projette dans l’action et j’anticipe la trajectoire.

Quand j’étais petit, très jeune j’ai voulu aller à l’école. Il n’y avait pas de section de maternelle à Janville sur Juine. J’ai donc intégré l’école Sainte-Ernestine de Lardy, une école catholique tenue par des sœurs.

J’étais gaucher et l’une de ces sœurs m’a cru possédée par le diable et a décidé de me sauver de la damnation.

Cela fait partie des souvenirs de ma petite enfance dont je me rappelle le mieux et de façon très visuelle: une longue tablée  d’enfants dessinant les uns à coté des autres, et la sœur, (je ne me rappelle que sa petite silhouette grise) qui, chaque fois qu’elle passait derrière moi, m’enlevait le crayon de la main et me la mettait dans l’autre en me disant que c’était mal .

 

Au final, ses manœuvres auraient pu être sans conséquences, puisque je suis resté gaucher. néanmoins, elle m’a marquée à vie: En arrivant en CP, j’écrivais de droite à gauche. j’ai repassé le permis de conduire à 3 reprises et je confonds systématiquement ma gauche et ma droite (sauf lorsqu’il s’agit de voter).

 

C’est ainsi que dans sa sagesse infinie, le très-haut a ourdi son complot tel un vulgaire naufrageur pour nous faire sortir du chenal et se repaître de nos âmes innocentes…

 

Ce qui est amusant, c’est que si René m’avait dit qu’il fallait passer à tribord, je n’aurais pas eu de sujet pour cet edito!

 

Nota: Je ne sais pas si je suis encore possédé par le diable, mais au vu de ce qui se fait et s’est fait dans le monde au nom des religions, le diable me parait bien plus sympathique que tous les dieux revendiqués.

Ecrit sous le spi

3,5 nœuds, avec le spi , en route pour les îles Cook, cette allure de paresseux permet toutes les calligraphies. Lire, écrire, regarder l’horizon, avec ce programme, je remplis tous mes agendas pour les années à venir. Débarrassé de toute trace de terre, l’horizon est devenu convexe et complexe, où que porte le regard, il y a cette limite inaltérable de l’horizon. La mer n’est pas sans fin, elle est une fin sans cesse déplacée jusqu’à ce que l’île apparaisse.

Nous avons quitté Mopelia hier vers 5h de l’après midi, le soleil était droit dans la passe et l’eau était devenue métallique, rien ne transparaissait, ni les rochers sous l’eau, ni les abords de la passe, il fallait presque y être dessus pour les voir, enfin on est passé, on a franchi les deux piquets qui annoncent la passe, ici pas de balise rouge et verte, pas d’amer ni d’alignement pour juger du chemin.

A l’arrivée dans la passe il y a 10 jours, nous avons longé le côté gauche de la passe ; René, un copain de Tahiti nous avait dit de passer à droite mais Pierre confond la droite et la gauche… J’étais à l’avant du bateau, ayant vu les rochers sous l’eau, je me suis retournée pour avertir Pierre, hélas, personne à la barre, je me précipite donc à l’arrière en même temps que Pierre qui ayant consulté la carte à l’intérieur du bateau et y ayant constaté la présence des rochers à faible profondeur, se précipite aussi à la barre, le bateau étant à faible vitesse, nous commençons à mettre la marche arrière et là nous voyions un petit bateau de pêche prendre la passe par la droite et nous faire signe « allez y tout droit », nous remettons le moteur marche avant, et nous passons au ras des rochers grâce à notre petit tirant d’eau, c’est ainsi que nous sommes entrés à Mopelia par la gauche et que nous sortons de la passe par le bon côté cette fois ci, mais toujours la gauche dans ce sens là…

Nous n’avons pas vu disparaître l’île de Mopelia, Nous nous sommes enfoncés dans la nuit avec encore dans le dos la présence de l’île. Voir l’île petit à petit, s’amenuiser, se confondre avec l’horizon, puis n’avoir plus d’existence, la nuit nous a pris cette image.

Voir disparaître une île, la voir s’effondrer, s’enfoncer dans l’eau jusqu’à disparaître est fascinant

Si j’avais une installation à faire, ce serait celle là : filmer l’île qui disparaît, filmer la disparition le tangible de la disparition.

 

Le lendemain.

Devant le bateau au bas du ciel, des gros cumulus, au dessus la bande étirée de nuages comme des trais, des griffures, encore au dessus, des nuages comme de la poudre, écrasés au pillon, au delà le bleu gris du ciel ; comme toujours lorsqu’on ne voit plus de terre, en pleine mer, le ciel est divisé en différents tableaux, chacun sa composition, chacun ses couleurs, et même à l’intérieur de chaque tableau, on trouve des nuances de couleur et de formes de nuages, il y a une telle diversité de ciels que c’est bien des ciels que nous voyions, ce pluriel pris au langage des peintres et non des cieux.

 

Hier Alice et moi, nous nous sommes presque endormies, en regardant les étoiles, serrées l’une contre l’autre, contre le filet, balancées par le bateau ; et ce matin, c’est le spi largement déployé qui nous accueille sous son aile, « Enjoy » exhorte t-il ! Sur un fond de rose délavé, il y est écrit « enjoy «  avec une petite fleur sur le point du J, dessus une sirène à moitié sortie de l’eau souffle, elle souffle le vent, elle souffle les mots, « enjoy » »enjoy » nous dit elle, « profite » « profite ». Les premiers propriétaires du bateau avaient peint des bandes roses sur le bateau, écrit « enjoy » en rose sur la coque et fait faire un spi rose. Ils y croyaient donc à leur rose, à leur « enjoy ». La voile est un peu défraîchie maintenant, le rose un peu délavé, mais la voile est là, bien gonflée par le petit vent, profitant du moindre air pour faire souffler la sirène. Nous pêchons un thon de 15kg et l’enjoy est toujours là. Après, l’enjoy a été plus difficile, 40-45 nœuds de vent qui s’abattent d’un coup – la sirène avait t »elle trop soufflé ?_ après l’allure de paresseux, l’allure de la fuite, nous prenons en effet la fuite, sous la menace des éclairs, allant dans le sens du vent, à sec de toile, après que Pierre se soit débattu avec les écoutes de génois pour enrouler la voile. Nous allons à 6 nœuds !Heureusement, la mer n’est pas trop agitée et nous attendons à l’abri dans le bateau, que le temps se calme, ce qui enfin arrive à 4h30 du matin, le mauvais temps passé, nous reprenons une navigation presque tranquille, vent de travers de 20 noeuds avec encore une nuit en mer. L’île d’Aitutaki apparaît au matin, poussant de son dos la ligne d’horizon, comme un éléphant sous un chapeau et nous voilà aussi émerveillés que le Petit Prince de retrouver sa planète.

 

Mopelia

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A Mopelia on s’est beaucoup amusé. Les habitants de là-bas nous ont appris à pécher avec de gros bernard-l’ermite. Il faut planter l’hameçon dans le ventre du Bernard-l’ermite, nous avons essayé mais ça n’a pas marché parce qu’il y avait des remoras et des requins sous le bateau, et qu’ils venaient à chaque fois qu’on jetait quelque chose à l’eau.

Papa a réparé leurs panneaux solaires et en échange ils nous ont donné du thon, on est allé cherché des crabes de cocotier avec des lampes torche, j’en ai vu un toute seule et Papa a failli marcher dessus. On a pu voir aussi un crabe dans son trou.

Un jour, en revenant de promenade, j’ai voulu que le crabe de cocotier casse un bâton, je lui ai mis dans sa pince mais il ne l’a pas lâché jusqu’à ce qu’on le fasse cuire.

On est allé cherché des bigorneaux 2 fois. La deuxième j’y suis allé toute seule avec Papa, c’était tout au bord du platier et il y avait une baleine.

Ils nous ont donné aussi, des oeufs de Sterne, des papayes, on est allé chercher des bénitiers avec eux, ils nous ont donné de la pota, des haricots verts et il y avait un pécheur qui leur avait donné de la tortue et ils l’ont partagé avec nous.

 

 

Maupiti – Mopelia

Maupiti

ce qu’on nous avait dit de Maupiti la passe pas très large et en zig zag le courant fort dans la passe, c’était vrai mais personne ne nous avait parlé de cette paroi rocheuse au pied duquel se trouve le village, c’est assez impressionnant : le village se situe sur une bande de terre étroite limitée d’un côté par le lagon, de l’autre par la paroi abrupte et nue de la roche, comme si les habitants de l’ile vivaient en permanence adossés à un mur, ou se pourrait il, comme s’ils vivaient au pied du mur ? Car dans cette bande de terre que constitue leur territoire, les villageois cohabitent étroitement avec les morts : des terrains petits et devant les maisons, se trouvent les tombes ; c’est traditionnellement qu’en Polynésie les tombes se situent dans les terrains familiaux, mais du fait de l’étroitesse de la bande de terre, les morts se retrouvent aux portes des maisons. A tel point que le toit en bois peint qui surplombe parfois la tombe sert aussi de support pour aérer les matelas,et d’abri pour la débroussailleuse…

un petit lagon, une bande de terre étroite, une muraille de pierre dans le dos, les morts avec les vivants, c’est ainsi que l’on semble vivre à Maupiti… C’est un petit monde en soi, on a un peu l’impression de vivre en vase clos, du vivant au mort, de ce fait, le passage de la passe, comme une épreuve, avec ses risques d’échouements et de situations critiques par temps mauvais, ressemble à un passage du Styx par Charon, un jour on fait le chemin inverse et on retrouve le libre océan.

 

 

Mopelia du 12/08/2016 au 20/08/2016

Mopelia- Maupiti, les deux îles sont liées car les habitants de Mopelia viennent tous de Maupiti, mais ces deux îles sont exactement l’inverse l’une de l’autre, Mopelia c’est un monde libre, un lagon à perte de vue, une île corallienne sur laquelle une vingtaine d’habitants vivent, ou plutôt organisent chaque jour leur survie et trouvent leur moyens de subsistance dans la nature environnante.C’est la puissance du vivant, l’état de survie avec toute l’intensité et la force que cela implique, le monde végétal et animal par opposition au monde minéral de Maupiti,

 

 

Maupihaa en tahitien, Mopelia en Français, une île inexistante à l’échelle d’une planisphère, inconnue de la marche du monde, invisible aux yeux de tous, et pourtant tellement grande par le monde qu’elle nous révèle, le monde du cœur avec l’accueil et la générosité de Marcello et Adrienne et leurs enfants Fai, Karina et Hio. et le monde puissant de la nature.

Dans la cabane de Hio

Dans la cabane de Hio

Les oiseaux, sternes et fous de Bassan, mouettes, par centaine tournent dans le ciel lorsque nous arrivons à l’approche de l’île, les requins, jusqu’ à 9 requins autour de notre bateau, lorsque nous jetons l’ancre , 20 rémoras éliront leur domicile sous notre coque. , la baleine et son baleineau que nous observons depuis le récif, coquillages, bénitiers , crabes de cocotiers, poissons juvéniles entremêlés au corail…

On y a appris des choses essentielles telles que pêcher avec un Bernard-l’Hermite, faire du feu à la bourre de coco, faire du ipo, chasser le crabe de cocotier.

Ceux qui vivent ici ne possèdent pas beaucoup de choses et pourtant sont à l’abri de tout, leur vie est magnifiée par l’essentiel, chasser, pêcher, cultiver le potager, faire du coprah. Sur la lande de sable, entre lagon et océan, ils ont construit avec des tôles leurs cabanes pour dormir que les enfants s’empressent de visiter, comme des maisons de poupées géantes.

 

 

Hio nous parle de Moitessier et de son expérience sur l’île de Ahe pour planter des graines et faire pousser des plantes dans le sable, Hio plante toutes les graines dont il dispose, « tamata » nous répète il, après Moitessier, il faut essayer. Et ce sont bananes, papayes, pota, vigne, poivrons, salade qui poussent … dans le sable…

Omelettes d’œufs de sternes, thon cru, poulet, plat géant de spaghettis (Elanore m’a dit qu’elle n’en avait jamais vu autant ), nous sommes invités à leurs repas gargantuesques et ne le dites pas, nous nous transformons alors en ogres (mais nous ne mangeons pas les enfants qui lisent ou apprennent à lire les histoires). La veille au soir, nous mangeons dans leur campement au sud de l’île, des bénitiers que nous avons récoltés, qui ont cuits dans du lait de coco au curry dans une grande marmite de sorcière bien noire, posée sur un feu de bourre de coco.

 

 

Nous allons chercher des crabes de cocotiers la nuit à la lampe électrique ; ils ont des pinces énormes, une carapace de gladiateur, une allure préhistorique, ils vivent dans la forêt de cocotiers, et nous les surprenons à la lumière de nos lampes ou bien nous les extirpons de leur trou mais c’est avec traîtrise qu’ils sont pris , attrapés par le dos (à quoi leurs sert donc leurs pinces énormes) ; au campement, ils sont suspendus à des fils, tels des damnés moyenâgeux , avant d’être jetés dans une grande marmite d’eau bouillante.

 

 

Sur le récif, pendant que nous récoltons les coquillages : au loin de l’autre côté du récif, nous observons une baleine et son baleineau, pendant plus d’une heure et au près, dans 50 cm d’eau, des poissons minuscules dans le corail rose.

Pierre comme envoyé des dieux, répare leur installation solaire.

Le soir nous sentons le feu de la bourre de coco sur nous, même revenus au bateau. La vie sauvage nous gagne.

Nous quittons l’île un soir d’inconscience.

 

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