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Pierre la bière

Les enfants sont terribles.

Depuis notre départ, je ne peux plus boire une petite mousse sans entendre les commentaires d’Alice. A l’entendre on pourrait presque croire que je suis alcoolique alors que je poursuis simplement une étude scientifique entamée il y a plus de onze ans sur les us et coutumes houblonnées dans le monde. Etude que j’avais du mettre en suspens pendant notre escale Tahitienne car, bien que monument national tahitien, la principale qualité de la Hinano réside essentiellement dans son packaging et la ligne de vêtements qui y est associée. Il y a bien eu quelques louables intentions d’originalité gustative de la part de la brasserie de Tahiti (Bière au Uru (fruit de l’arbre à Pain), Hinano gold, Hinano ambrée…) mais qui n’ont pas su me séduire. Au point que, pendant les premières années de notre séjour tahitien, je buvais essentiellement de la Corona avant que son prix ne double inexplicablement du jour au lendemain ce qui m’a précipité dans les tentacules impérialistes de Budweiser (bud ice et bud light)…

 

Dès que le décapsuleur entre en action, émettant un charmant tintement suivit de ce petit lâché de pression qui a pour effet de faire apparaître quelques délicates bulles sur le goulot, j’entends une petite voix flûtée provenant des entrailles du bateau: « Papa, il ne pense qu’à la bière! »

Elle a l’oreille fine!

 

A bord, nous avons presque tous un surnom: Elanore le trésor, Lucile la luciole, Alice la malice… pour faire honneur à son surnom, Alice m’a surnommé : « Pierre la bière! »

 

Depuis notre départ de Tahiti, j’ai repris mon étude et me fais un point d’honneur d’aborder chaque pays visité à travers ses productions de bières locales, ce qui a pour effet de m’entendre répéter à chaque fois: « Papa, il ne pense qu’à la bière! »

Je vous épargnerais ici l’ensemble des détails de cette étude qui fait à ce jour plus de 250 pages illustrés de nombreux graphiques, photos et autres camemberts, mais je vous donnerais néanmoins quelques ressentis globaux.

Iles cook :

Il y a bien une bière locale (Matutu) aux iles Cook, et elle ne m’a pas laissé un souvenir impérissable car je n’en ai pas trouvé.

Niue :

J’ai noté avec regret que l’on ne brasse pas à Niue qui s’appuie sur l’importation de bières néo-zélandaises. Cette attitude n’est pas forcément à déplorer car à coté des marques de grandes diffusions (Steinlager, Foster …) on peut trouver quelques breuvages très sympathiques quand ils ne sont pas en rupture… (lire notre article « bricoleur de ponton »).

Tonga:

Petite anecdote. Lors de notre arrivée à Port Maurelle il y avait une bonne quinzaine de bateaux anglo-saxons (surtout américains, australiens, canadiens et néo-zélandais) et nous avons été invité à venir le soir sur ma plage faire un feu, discuter, et boire des bières. Je saute sur l’occasion et décide de me débarrasser une bonne fois pour toute du pack d’Hinano qui traîne dans le bateau, vestige de notre soirée de départ à Tahiti. En arrivant sur la plage, je propose mes bières à un grand américain qui ressemble beaucoup à George Clooney et qui se prénomme Jeff. En reconnaissant mes bières, il a un mouvement de surprise et les yeux qui pétillent. Il m’explique alors qu’il ne peut pas accepter car elles sont « so expensive » et qu’il ne veut pas m’en priver! J’ai d’abord cru qu’il plaisantait, mais non. J’ai du insister pour qu’il en accepte une (puis deux). 10 jours plus tard, en me retrouvant au marché de Neiafu, il me parlait encore des bières que je lui avait offert…

Revenons à notre étude… La Popa’o, (Ale) bière des Tonga, vaut le détour. j’ai également bien apprécié la Maka (lager), qui bien que tongienne est une bière brassée en Nouvelle Zélande et distribuée uniquement aux Tonga.

Fiji:

la principale marque de bière s’appelle … Fiji. Je ne sais pas trop pourquoi ils ont choisi le nom d’un archipel perdu au fin fond du pacifique, enfin peu importe, je n’ai pas de leçon de marketing à donner… Fiji (la bière) se déclinent en de multiples variantes: Fiji Bitter (pale ale), Fiji premium (lager), Fiji gold (pale ale) … Ma préférence va à la Bitter qui est aussi la plus commune. On trouve également une sympathique lager dénommé « Vonu » (tortue).

Vanuatu:

A Port Resolution, Rafaël et Emma, ont tenu à participer à mon étude en ‘offrant 2 échantillons de « Manta », la bière de Nouvelle Calédonie, ce qui, après avoir goûté la Tusker (pale lager), la bière des Vanuatu, me conforte dans le sentiment précédemment développé à Tahiti que l’influence française dans le monde est désastreuse en matière de bière…

 

Je conclus ici, Alice arrive… Hips!

 

 

 

Flanerie au royaume des Tonga

Nous sommes au Royaume des Tonga, celui que James Cook baptisa « île des Amis » en 1773 en raison de l’accueil chaleureux qu’il y reçut et malgré le massacre de plusieurs de ces hommes. Le royaume fût établi dès le X ième siècle. C’était un vaste royaume au sein de l’Océan Pacifique, qui s’est étendu au XVIII ième siècle des îles Hawaii jusqu’aux îles Fidji, incluant l’île de Niue. Après avoir été devenu un protectorat britannique, le royaume des Tonga a acquit son indépendance en 1970 et est membre du Commonwealth britannique. Depuis 2008, le roi George Tupou V a renoncé à tout pouvoir politique au profit d’un régime parlementaire.

Les Tonga comporte 170 îles réparties en trois archipels, c’est l’archipel des Vava’u, celui le plus au nord que nous choisissons pour naviguer.

 

 

L’archipel de Vava’u est une mer intérieure d’où jaillissent les îles de corail, au socle remonté, gonflées de végétation, certaines, bordées de sable blanc qui étincelle au soleil, soulignées d’ eaux turquoises, d’autres, inaccessibles, imprenables à cause de la forêt dense qui les couvre et du socle de corail qui fait barrière, d’autres encore sont bordées de petites plages mordorées baignées d’eaux opaques. La navigation est facile, les eaux sont profondes, avant de toucher les îles, l’océan Pacifique est comme calmé, retrouve son côté mer, presque maternel. Les baleines viennent mettre bas dans les eaux extérieures et leurs petits au sein, elles s’aventurent parfois à l’intérieur de la mer.

Port Maurelle

Il y a des noms que l’on lit sur la carte et qui vous attirent sans savoir à quoi ils correspondent et ce nom si français de port Maurelle dans un territoire si éloigné de la France m’avait attiré comme un aimant. J’avais imaginé un navigateur du nom de Maurelle mouillant avec sa goélette dans la baie et avec l’ethnocentrisme caractérisé des navigateurs, donnant son nom à cette baie des Tonga. M.Maurelle était en fait espagnol, il était bien navigateur, et bien sûr ethnocentrique. La baie porte le nom de ce navigateur qui fût le premier européen à visiter l’archipel de Vava’u.

La baie de Port Maurelle est occupée par une huitaine de voiliers venant de tous horizons, américains, anglais, suédois, australiens et le soir sur la plage au fond de la baie, nous nous retrouvons autour d’un feu de bois. « feu de bois, feu qui chante, joli feu de bois… » les enfants pétillent de joie, les flammes s’élèvent jusqu’au ciel, se mêlent aux étoiles et au fond de l’eau, les étoiles de mer bleues jonchent le sable d’or…

Il y a une grotte au nord de la baie : c’est une grotte très haute aux eaux très profondes, la mer qui y entre prend des couleurs de nuit, d’un bleu sombre, parfois noir, sous l’eau des centaines de poissons gris à peine éclairés par la lumière venant du dehors, et la grotte permettant le passage, nous allons du dedans vers le dehors, du sombre vers la lumière, de la profondeur vers la surface.

 

 

Et nous nous laissons glisser au dehors pour une longue ballade aquatique le long des massifs coralliens qui bordent l’île.

Ballades en kayak avec notre planche à voile, les trois enfants accrochés à la planche, observant les fonds marins, exploration des anfractuosités dans le corail. Robinson sur la plage : nous tirons des flèches avec des arcs en bois, nous nous abritons sous une cabane laissée par des enfants. C’est la vie sauvage qui nous reprend.

Neiafu

La ville, une ville avec des bistrots, des cafés, des magasins, des laveries, des accès internet, et partout des gens, aux terrasses, dans les rues, dans les magasins, la ville nous reprend. Le bar Basque devient notre quartier du soir, il y a là un billard, on y sert du cidre, des sangrias, de la bière tongienne, on y entraîne nos copains de bateau, les voiliers Sodric, Métamorphose, Galathée, Yann du voilier kirikou – eh oui comme une bouffée de parfum de tiare, nous retrouvons Yann de Tahiti, en escale aux Tonga sur le voilier qu’il convoie – on y parle de nos navigations passées et futures, des canaux de Patagonie, de l’Amérique du sud, de l’Asie, on y parle de la liste des trucs à faire…

 

 

A bien y regarder, Neiafu est une toute petit ville, étalée sur la colline, avec deux rues principales, ses petits magasins qui vendent tous la même chose au même prix, un marché regorgeant de fruits et de légumes, une église majestueuse, à la façade blanche éclatante. La ville domine une large baie, dans laquelle s’amarrent les bateaux, et comme enclose par les petites collines alentour, parfaitement abritée, elle est un havre, protégeant des tempêtes, et même des cyclones. Et comme à l’abri du temps, ses habitants se promènent dans leurs habits traditionnels, les hommes et femmes en jupe longue, de coton noir, avec par dessus une jupe de natte tressée, ceinturée autour de la taille, ou dressée dans leur dos.

Enterrement en fanfare, au son des cuivres et des cymbales, accompagné par les musiciens habillés en blanc faisant une musique tellement mélancolique, qu’il est impossible de se tromper sur la raison de cette fanfare.

Des chauve-souris survolent les arbres et comme un pied de nez à la vie, observent la tête à l’envers, accrochés aux branches des arbres, passagers des deux mondes. La chauve-souris est un animal sacré aux Tonga comme dans beaucoup de pays, on dit qu’elle est la manifestation physique d’un esprit errant.

Nous sommes amarrés près des arbres, à flanc de colline ; l’eau est verte , les feuillages des arbres se reflètent dans l’eau, donnant sa couleur verte à l’eau, imprégnant la surface des choses comme un glissement du monde végétal vers le monde aquatique.

 

Vaka’eitu

C’est une île formant une baie fermée par plusieurs îlots, jardin de corail à l’est, jardin de corail à l’ouest, « whale reef » le reef aux baleines, les endroits de snorkelling ne manquent pas, dès que l’on s’approche des eaux profondes, l’eau près des coraux se clarifie et révèle sa multitude de poissons, il y a une petite anse près du whale reef dans laquelle des centaines de poissons évoluent, c’est magnifique, nous voyions aussi beaucoup de corail mort ici comme nous en verrons beaucoup aux Tonga. Réchauffement climatique ? Tempêtes ? Bouleversement de l’écosystème du à la pêche ? Celle excessive des conches géantes ? Celle des holothuries (concombres de mer) faite parait-il à la dynamique ? Nous ne connaissons pas la cause. Le nombre de poissons est encore exceptionnel, partout aux Tonga les eaux frémissent de poissons, ce sont ces scènes de chasse qui font notre quotidien, en particulier les bancs de carangues chassant d’autres poissons, les oiseaux pêchant les poissons, nous avons vu beaucoup de fois des tortues surgissant à la surface des eaux et les fonds sont peuplés par de nombreux poissons.

Source WWF : « les populations de mammifères, oiseaux, reptiles et poissons marins ont chuté de moitié depuis les années 1970 du fait de la surpêche, de la pollution et du changement climatique. Selon les experts, les récifs coralliens et prairies sous-marines pourraient disparaître du globe d’ici 2050 sous l’effet du réchauffement climatique, sachant que plus de 25 % de toutes les espèces marines y habitent. L’action de l’homme est à l’origine de ces tendances : de la surpêche et des industries à l’aménagement du littoral et à la pollution, en passant par les émissions de gaz à effet de serre responsables de l’acidification océanique et du réchauffement des mers »

Toujours cet héritage fait de progrès et de déchets…

Une famille habite sur l’île et nous prenons part à un repas qu’elle a organisé pour les équipages des bateaux: au coucher de soleil, une longue table dressée sous le majestueux banian, les plats disposés sur la table, l’homme à la guitare, la femme au chant, la fille, vêtue d’une longue jupe noire et d’un corsage noir souligné par la jupe de natte tressée danse, et cette danse est presque exclusivement une expression des mains, son corps à peine ondule ; que nous conte t-elle, qu’est ce que ses mains nous disent ? Et les mots et le sens des mots se fondent dans le soleil couchant, dans la lumière rouge répandue sur la mer, dans l ‘air saturé d’humidité, du bruissement confus des insectes, dans les branches millénaires du banian.

 

 

L’île Euakafa

Elle s’appelle Euakafa mais on pourrait l’appeler l’île de Brit. Dès que nous approchons de l’île, Brit vient de la plage avec son kayak pour nous guider et nous indiquer le bon mouillage. Brit est un australien qui vit depuis trois ans sur cette île, ayant recueilli l’autorisation de la famille tongienne à qui appartient l’île ; il vit torse nu, le sourire éclatant, entouré de sa cour de chiens, il habite une maison peinte en bleu aux fenêtres toujours ouvertes ; on pense à la chanson « c’est une maison bleue adossée à la colline on y vient à pied ceux qui vivent là ont jetés la clef » . Il a construit un petit trimaran avec du bois de Nouvelle-Zélande qui lui permet de se rendre à Neiafu la ville, Brit va de temps en temps en Nouvelle Zélande et ailleurs pour tourner avec son groupe de musique, puis revient dans son île. Brit n’a besoin de rien d’autre : il vit entouré de beauté : l’eau qui baigne l’île est claire, transparente, la plage de sable blanc, pure, la forêt à l’intérieur de l’île a des arbres ensorcelants, des branches qui s’enlacent, des feuillages qui se penchent, des cocotiers droits, géants, des papayers à foison, hululements d’oiseaux, cris des pigeons , cris des mouettes, une chauve souris nous frôle et nous observe accrochée par les pattes , le ventre roux, les yeux ronds. Au fond de l’eau, les serpents glissent, les poissons scorpions déploient leurs nageoires, aussi légères que des plumes.Il y a tellement de postes d’observations, de point de vue, depuis la forêt pour regarder la mer, et les îles alentour, les oiseaux qui rasent l’eau pour pêcher, les barques et les voiliers qui passent, les poissons qui font frémir l’eau, les feuilles des arbres qui ondulent, les feuilles qui frissonnent. Pique nique sur la plage abrité dans la forêt, quelques mots de Le Clezio sur l’île Rodrigue, chaleur accablante de midi, piqûre des moustiques et plaisir des mots. Nous trouvons des bénitiers géants sur la plage à l’est de l’île, les Tonga sont une réserve de bénitiers géants, les pêcheurs viennent extraire les bêtes sur la plage et laissent les coquilles.

 

 

Nous étions venus sur cette île pour la légende, ce roi tongien en exil, venu avec sa bien aimée, puis poursuivi par les habitants, la bien aimée tuée, et la tombe la stèle érigée pour la bien aimée. Le chemin pour arriver au sommet est devenu inextricable, la forêt ayant repris ses droits, nous n’avons pas pu observer la stèle, mais, au bord de l’eau, nous trouvons d’étranges pierres rectangulaires comme des tombeaux, taillées au cordeau, et comme une histoire qui se répète, Brit n’est il pas ce roi, en exil, sur son île ?

 

L’île de Lautala

A peine l’ancre est -elle descendue au fond, le couple du voilier américain mouillé à côté de nous, nous offre une belle carangue donnée par des pêcheurs . Bienvenu aux Tonga, mouillage de l’île de Lautala!

Paysage d’eau bleue et d’îles, de platiers, de récifs, de ciel et de nuages, paysage des transparences, des nuances, des clartés. Près de notre bateau, un îlot de corail et de végétation mêlés.

L’îlot a une petite plage, on monte à son sommet, parmi les arbres, pins, palétuviers, on l’escalade jusqu’à son centre, on dirait un îlot de pécheurs , il y a des traces de feu, des coquilles jonchent le sol, des coquilles de bénitiers géants, d’huîtres perlières, d’autres coquillages torsadés dont la coquille a été trouée pour en extraire l’animal.

Le vent s’étant levé, le mouillage devenu légèrement houleux, nous allons mouiller à l’abri de la vaste baie de Tapana.

 

 

Entre l »île de Tapana et l’île de Pangaimotu

Une baie bien protégée, presque fermée et de l’autre côté de l’île qui la borde, une mer des merveilles, une mer d’eau turquoise et de lumière mélangés.

Quelques bouées d’amarrage appartenant à un couple de Néo Zélandais qui s’est installé ici et tient « the ark gallerie », la galerie « arche » comme l’arche de Noé, c’est une petite maison qui flotte en bois bleu peint avec des fleurs, des arbres, des arabesques; à l’intérieur, des tableaux, des bijoux, les animaux sauvés par Noé se sont transformés en tableaux en bijoux ou bien était ce qu’il y avait de mieux à sauver du déluge, ou bien était ce qui restait à sauver après le changement climatique ?

Le passage

Il est un passage entre deux falaises , abruptes, d’un rouge incendié, comme brûlé par quoi ? Les années ? Le feu ? L’eau est profonde, le passage étroit, on y passe, on s’y faufile, écrasé, par les hauteurs, incertain car ayant quitté quoi, allant vers quoi ?

L’île de Hunga

En allant vers l’île de Hunga

Mer plate, pas un souffle de vent, l’océan est ouvert, large, libéré des îles, infini, rejoignant le ciel au delà de la ligne d’horizon. Dépeuplé ? Non, car nous avons vu au loin, quoi ? nous nous approchons, nous nous approchons, si près, à 100 m, nous observons , pendant une heure : une baleine et son baleineau .

 

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Les baleines se dressent, se roulent, battent des nageoires, sortent la queue, tendent la tête, ouvrent la gueule sautent légèrement et retombent lourdement, elles soufflent , on entend leur souffle, est ce leur chant que l’on entend ? Elles sont noires et blanches, le dos noir, le ventre blanc, rayé de profondes stries. Aux alentours, des dauphins commencent leurs ballets de dos ronds et de pirouettes ; parfois au premier plan sur cette mer étale, nous avons les dauphins, au deuxième plan, les baleines. Alice endormie à côté de nous, à quoi rêve t-elle ? Ses rêves sont ils peuplés de baleines, de dauphins qui dansent ? Où est ce nous qui rêvons?

 

 

A part un étroit passage entre un rocher émergé et l’île, nul ne soupçonnerait pouvoir accéder au lagon de Hunga. Nous nous immisçons donc, scrutant le fond de l’eau, vérifiant les distances et accédons à l’intérieur du lagon. Ce n’est pas un lagon comme nous pouvons en voir en Polynésie, l’eau est profonde, sombre jusqu’aux bords des terres, l’île – il s’agit en fait de plusieurs îles formant une ceinture d’îles, se touchant presque – l’île qui l’entoure est haute d’une vingtaine de mètres, boisée, au sol de corail, avec quelques petites plages de sable doré. Les fonds sont très poissonneux, avec toutes sortes de petits poissons, et des poissons scorpions, poulpes, tortues… même si les eaux sont troubles, chargées de particules. Trois bateaux amarrés aux bouées, trois bateaux français : Galathée et Aquarel II partagent notre escale. Parler français à l’autre bout du monde, ah le plaisir ! la langue, notre pays.

Un autre grand moment de francitude nous attend sur l’île. Dès que nous débarquons, un jeune homme souriant nous accueille sur la plage : c’est Clément, toulousain, voyageur et rugbyman ! Il voyage en faisant 2 à 3 heures de travail par jour en échange du gîte et du couvert donné par ses hôtes. C’est ce qu’on appelle du woofing. Il est passé par le site work away. Il a ainsi voyagé un an en Nouvelle Zélande dans une île viticole, il a travaillé neuf mois en Nouvelle Calédonie, et il s’apprête à passer un an en Australie, après son séjour aux Tonga. Ici, il est chez un couple de canadiens qui a défriché un terrain, construit une maison en bois de Nouvelle Zélande et s’occupe des bouées d’amarrage.

Le village sur l’île : c’est l’après midi, le village est désert, petites maisons de bois, allées terreuses traversées par des cochons, jardins à l’herbe usée, dans une toute petite maison, dans le sombre, un billard et des hommes autour regardant la partie de billard, une femme veut nous vendre des coquillages à travers un grillage, des femmes allongées par terre sur des nattes,dans une maison obscure; au bout du chemin qui traverse le village, on arrive à des tombes, à leur tête, sur un bâton planté dans le sol, est accroché un tissu, une sorte de couverture en molleton qui se délite et se répand au gré du vent. Village lugubre et plein de désolation, on s’en va vite, seuls les arbres, gigantesques, sont emprunts de majesté, citronniers, manguiers, tulipiers…

Le soleil est revenu, et après avoir été protégés par le lagon pendant une semaine de mauvais temps, nous glissons hors de l’anse maternelle, vers le vaste océan.

Ice Cream Adventure

Sans pour autant se prendre pour Usbek ou Candide, nous constatons quotidiennement que le voyage bouscule un certain nombre d’habitudes et que la normalité n’est plus là où elle avait l’habitude de se trouver. Nos aventures les plus pittoresques surviennent dans les situations les plus anodines.

 

Ainsi, Elanore, Alice et moi étions partis en expédition pour trouver un « hardware store » (magasin de « bricolage ») dans lequel j’espérais trouver quelques équipements pour le bateau. L’adresse était facile : prendre la rue de la caserne des pompiers puis tout droit jusqu’à une « Christian Highschool » et c’est encore un peu plus loin, après là où il n’y a plus rien.

 

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En fait nous étions 4, Dora nous accompagnait…

 

Suivant la rue montante, nous nous extasions sur les aspects de la vie locale bien différents de nos habitudes polynésiennes.

Nous nous arrêtons devant le collège public et ses élèves en uniforme, les garçons portent des saris bleu avec une chemise blanche et les filles des robes bleues à bretelles et des chemisiers blancs. Nous notons les voitures qui roulent à gauche de la rue.

Alice me fait remarquer qu’un taxi roule avec sa porte coulissante latérale ouverte.

Plus loin nous observons des petits cochons qui vagabondent dans un jardin, l’un deux se sauve et traverse la ruelle.

Nous visitons les magasins chinois dont un porte le nom présomptueux de « Supermarket ».

Nous arrivons enfin en haut de la côte, puis devant une grande clôture devant une immense pelouse au milieu de laquelle se trouve un terrain de rugby et au loin le bâtiment grandiloquent de la fameuse « Christian Highschool ».

Le « hardware store » est au moins à 500m de là.

Je consulte Alice et Elanore. Malgré leur courage, je les sens un peu fatiguées par la presque demi-heure de marche que nous venons de faire. Il fait chaud, nous sommes en fin de matinée et le soleil est presque à la verticale. Le but de l’expédition n’étant pas essentiel, nous décidons de faire demi-tour et je leur promets une glace en arrivant au port.

Le retour se fait calmement, la rue descend et la perspective de la glace soulage les petites jambes fatiguées. En arrivant près de la caserne des pompiers, nous remarquons une petite cahute avec quelques tables et une pancarte « Ice Cream ». Nous nous arrêtons pour tenir la promesse faite quelques lignes plus haut.

 

Première étape : choisir le parfum.

Alice veux « fraise »…

Elanore demande quels parfums sont disponibles, je transmet sa question à la serveuse qui commence par servir les personnes derrière nous, puis nous explique qu’il y a : « passion fruit », « Brownie », « un parfum dont je n’ai pas compris le nom » (mais que je soupçonne être de la pistache) et « mango-passion fruit ». Après quelques explications difficiles, je finis par comprendre qu’elle n’a qu’un seul pot de glace ouvert devant-elle et que ce sera soit « passion fruit » soit « passion fruit ».

J’entame donc une série de négociations avec Alice pour trouver un terrain d’entente sur le parfum. Alice demande à voir puis réclame « fruit de la passion », ce qui tombe bien car il y en a !

 

Deuxième étape : décider du nombre de boules.

Un dessin sur le comptoir indique les différents cornets avec les nombre de boules et leur prix. Plus c’est gros, plus c’est cher. je décide unilatéralement et sans consultation de la base, de choisir une boule par personne et de prendre des« small scoop » ce qui représente la plus petite et la moins onéreuse option possible.

 

Troisième étape : choisir le nombre de cornets.

Connaissant le légendaire appétit d’Alice, je décide de n’en prendre que 2 glaces sachant qu’Alice ne finira pas la sienne.

 

Quatrième étape : sélectionner le type de cornet.

Je fais une concession et autorise les cornets en gaufre plutôt que les cornets insipides en hostie. (Ceux qui me connaissent pourront croire qu’il s’agit ici d’une remarque anti-cléricaliste primaire, cependant (même s’ils n’ont pas tout à fait tort), il s’agit d’un choix purement gastronomique. Sachant que ce sera à moi de finir les cornets, je préfère dans un accès d’égoïsme caractérisé, devoir manger des cornets en gaufre croustillante plutôt qu’en ersatz de pain béni qui se prend pour de la chair de crucifié.

 

Je commande donc 2 glaces avec une « small scoop » chacune dans des cornets gaufrés.

Aussitôt la vendeuse s ‘active et se met à racler de la glace dans son bac pour former un agglomérat vaguement rond d’environ un demi-litre de crème glacée qu’elle juche en équilibre sur le cornet qui paraît minuscule.

Pensant avoir fait une erreur, j’essaie de lui expliquer que je voulais deux glaces à une boule et non pas une glace à 2 boules. Elle me répond « yes, yes, It comes ! » et me prépare une deuxième glace identique à la première…

Elanore et Lucile sont à la fois ravies et atterrées par la taille de leur glace. Très judicieusement, Elanore me fait remarquer que les « petites boules » n’ont pas la même taille qu’à Tahiti, et ajoute « heureusement qu’on n’a pas pris 2 boules ! »

Nous nous asseyons pour manger nos « petites » glaces. En regardant autour de nous, nous constatons que nos glaces sont bien petites par rapport à celles que mangent les gens attablées. Une grand-mère lèche consciencieusement une glace « two scoops » qui lui cache le visage. Un gamin de 2 ans, interloqué, ne quitte pas Elanore et Alice des yeux, il tient une glace « one scoop » à 3 parfums aussi grosse que les nôtres.

 

Nous débutons la dégustation. Comme prévu, Alice cale rapidement et me donne à finir les ¾ de sa glace. J’ai du mal à la finir.

Au moment où j’avale la dernière bouchée, Elanore me tend la moitié de la sienne. Je crois que mon ventre va exploser…

 

Le gamin de 2 ans vient de finir son cornet. S’il n’était pas si jeune, je penserais qu’il nous nargue.

 

Nous rentrons au bateau, il est midi. Nous n’avons plus faim.

 

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De Niue aux Tonga

 

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Départ de Niue

La mer est si inconfortable que pendant ces deux jours de traversée nous restons à l’intérieur du bateau, et l’intérieur du bateau est peuplé de héros, de hobbits, de dragons, d’elfes, de sorciers, de moldus, du capitaine Nemo et du roi des Papas… Pourquoi voudriez vous qu’on aille voir dehors ? La mer est un amas de vagues tordues, une grosse vague de temps en temps s’écrase sur les hublots, laissant de magnifiques traces d’eau. La nuit le ciel étoilé rentre dans le carré par le hublot, le jour, la pluie laisse filer ses perles sur les hublots.

 

Le couchage des enfants dans le carré

Les enfants dorment dans le carré

 

La nuit le hublot est couvert d’étoiles, le jour le hublot est étoilé de pluie.Je me souviens d’un velux couvert de pluie dans un film de Woody Allen, et j’ai toujours aimé depuis les velux, les hublots sous la pluie, sous la lune, dans les étoiles, ce passage si immédiat de l’extérieur vers l’intérieur. L’extérieur est hostile, l’intérieur est paisible, rempli par nos imaginaires, extensible à l’infini, sans frontière, ni limite, il y a le in et le out, le dedans, et le dehors., la vie intérieure et la vie extérieure. Et comme bien souvent dans la vraie vie, sur le bateau, la vie intérieure est foisonnante, riche et la vie extérieure est plein de remous, tumultueuse, trouble. A la VHF nous entendons les voix gutturales des équipages suédois qui partis en même temps que nous de Niue, se dirigent comme nous vers les Tonga et communiquent entre eux avec leur langue mystérieuse. Le seul mot que nous comprenons est « slowdown » , Ralentir, en effet le vent nous pousse si vite que nous devons ralentir pour ne pas arriver de nuit aux Tonga.

 

Navigation dans le noir...

Navigation dans le noir…

 

Ralentir, sur un voilier, veut dire réduire les voiles, mais malgré le génois enroulé sur trois tours et les deux ris de pris dans la grand-voile, nous allons si vite que nous arrivons de nuit aux Tonga, dans l’archipel des Vava’u. La lune est pleine et lumineuse, malgré le voile des nuages, nous distinguons les îles noircies par la nuit, nous nous faufilons tels des cambrioleurs bilbotiens évitant les récifs, surveillant la navigation sur la carte électronique, nous mouillons dans la baie de Port Maurelle, clandestinement. Nous sommes en effet le samedi, et les autorités d’immigration étant ouvertes le lundi nous faisons fi de notre obligation de déclarer notre arrivée à la capitale des Vava’u jusqu’au lundi. Il est 4h du matin, nous n’avons pas dormis, Paris se couche t-il ?

 

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Formalités d’arrivée

 

 

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