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De Hong-Kong aux Philippines

De Hong Kong aux Philippines du 31 mars au 5 avril 2018.

 

Hong Kong comme dans ces tableaux anciens, Hong Kong se présente une dernière fois sous nos yeux : une baie entourée d’îles et de collines. Sept arrière-plans de collines dans la brune, à peine des contours d’encre de Chine, trempés d’eau, comme l’on voit dans les tableaux anciens, c’est Hong Kong, c’est ma Chine, aucun immeuble, aucune verticalité, des traits de peinture et des bateaux. La mer est parsemée de petites embarcations, des voiliers, des bateaux à moteur qui comme des papillons attirés par la lumière, sont de sortie par ce jour de grand soleil. Nous tirons des bords pour sortir de la baie, nous nous détachons lentement de Hong Kong, il y a notre ami Sean et son chien sur son voilier pour nous accompagner et nous dire au revoir, nous nous photographions et nous nous filmons mutuellement comme si nous tissions des liens invisibles entre nous, encore pour prolonger notre amitié. Nous en laissons des amis sur la rive, Denis, Brian, Dan, Sean, Christophe, et tous ceux de la marina Hebe Haven qui nous ont si bien accueilli et tenu compagnie. Brian est en vol au-dessus de la Corée, Denis est aux États-Unis pour rejoindre sa famille, après avoir dirigé son équipe de pilotes en Chine, nous avons rencontré des Français, des Américains, des Australiens, des Canadiens, des Allemands, des Autrichiens, des Belges, tous ces gens de nationalités différentes qui s’épanouissent à Hong Kong, partagent un moment de vie avant de s’éparpiller aux quatre coins du globe.

 

 

Nous croisons encore Harvey sur son voilier, il a inventé le soutien-gorge Wonderbras et évidemment il a un spi rose fluo qu’il vient maintenant de déployer ; de charmantes jeunes filles prennent le soleil sur le pont, nous font au revoir de la main, nonchalamment, tous vont sans doute sur la petite île des pêcheurs , où nous avons déjà passé une très belle journée, baignée de soleil, mangeant du poisson et discutant, se promenant jusqu’à atteindre un temple chinois sur la rive.

Nous étions arrivés comme dans un rêve à Hong Kong et nous en repartons de la même façon sous le signe du rêve, de la beauté, les contours de Hong Kong s’effacent peu à peu, la lumière des sept collines s’estompent, les couleurs se diluent, nous sommes de nouveau, dans la mer des cargos, à guetter les trajectoires, et la nuit a tout englouti, nous sommes bien partis.

Second et troisième jour

Une mouette soudain au ras de l’eau, j’attends encore après des milles et des milles parcourus, le surgissement du merveilleux, ce que la mer procure d’enchantement, soudain être porté par l’aile d’un oiseau, ce murmure des vagues, le rail d’écoute qui glisse, le winch qu’on tourne, chaque période passée sur la mer est une période d’écriture pour essayer de retenir le chant de la mer. Tout à l’heure a surgi au bout de la ligne une dorade coryphène, ses couleurs bleues et vertes qui lançaient des éclairs dans le gris de la mer, le poisson se tordait et dardait ses rayons de couleur, avant d’être hissé sur la plage arrière du bateau et mourir dans sa robe gris-argent, à petits pois noirs.

Un peu plus tôt encore, je discutais avec Alice sur le pont, je vis son regard soudain capté par la mer, et elle dit : « un aileron, je vois un aileron », c’était un troupeau de globicéphales qui croisaient juste à côté du bateau, la tête aplatie, le corps noir-gris, on les voyait apparaître au ras de l’eau puis plonger, jusqu’à ce qu’ils s’éloignent et poursuivent leur course, ailleurs.

Depuis, je reste dehors – je guette.

Le soleil brille, la mer est pleine d’éclats par endroit ; par endroit, grise, un peu échevelée comme nous.

 

 

Hier encore nous étions dans le monde industriel des plate-formes pétrolières en équilibre sur leurs piliers de cent mètres, comme des crabes géants. Des torchères brûlaient, on voyait la piste des hélicoptères, des hommes devaient s’affairer pour maîtriser le flux de pétrole qui jaillissait depuis les entrailles de la terre, dans les pipelines gigantesques, c’était fascinant de voir cela depuis notre voilier, nous qui nous déplacions la plupart du temps, avec le vent. Au pied des géants, il y avait des petites pirogues de bois à balancier, des pêcheurs venus là sûrement à partir de bateaux plus gros, qui faisaient eux aussi des gestes anciens, jeter leur filet, mettre une ligne à l’eau. En passant précisément là mais pour ainsi dire par hasard, nous accédions à un temps souverain qui se déployait avec ses strates, modernes et anciennes, J’ai souvent perçu la mer, comme une absence de temps, ne sachant plus où nous en étions, de ce temps si mesuré, là-bas, sur terre, et ce temps ici savait prendre de l’ampleur, de l’ère industrielle aux temps anciens, on le voyait s’étendre, se distendre, jusqu’à ce que les plate-formes, les pirogues disparaissent de notre horizon.

 

 

Quatrième jour

L’eau pure autour, nous, avançant dans la vague, comme si seul le bateau savait la direction, nous dans cet univers, entourés d’eau et de lumière, nous, dans la vague, avançant dans le vent, faire le tour du monde et voir cet horizon semblable, si éloigné des hommes, si clément et si plein de force, l’énergie qui circule en moi, entre et sort, je la reçois, pure et vitale. Journée pure comme seul on en voit en mer, aucun bateau autour, cet horizon sans fin, une trace dans le ciel, pas un seul nuage, du gris dilué par le ciel.

Je suis si proche de l’oiseau venu nous voir, une petite hirondelle si légère.

Cinquième jour

jour de calme et de bonheur/ moteur.

Déjà le soir : un soleil rouge s’enfonce dans la mer, le disque glisse si rapidement dans la mer, le temps d’écrire cette phrase, il a disparu ; à la surface, le bateau, le bruit du moteur et sa fumée qui s’échappe.

Je l’ai compris en regardant le film de Jim Jarrnush « Deadman », on pouvait atteindre le ciel en touchant la mer, ces deux se rejoignent, ne font qu’un. Pour monter au ciel, il fallait être en mer.

Tout autour mer, ciel, et nous, peut-être, la jonction, le lien, le vivant.

Nous assistons impassible à ce paysage mobile.

Sixième jour

9h du matin, le vent est revenu ; pressés d’arriver, il nous a écoutés. Malgré nos coques de bateau très sales, plein d’algues et de coquillages, qui nous ont ralentis – mais ne sommes-nous pas escargots ?- nous arrivons enfin. Les dauphins nous accueillent ; à l’horizon : collines des Philippines sans sept arrière-plans. La Chine me manque ! Mais nous allons retrouver Toto à qui nous avions promis de revenir. Nous avons aussi rendez-vous avec l’équipage du voilier « Ouistiti » qui nous contacte par VHF dès que nous sommes à proximité de San Fernando; nous les avions rencontrés à Tahiti, revus à Pohnpei, en Micronésie, et retrouvés maintenant, aux Philippines, tout est si simple, non ?

 

 

En mer de Chine

Des Philippines à Hong Kong – du 14 février au 19 février 2018

 

Départ de Bolinao, le 14 février 2018

Toto nous accompagne jusqu’à la sortie de la baie, il a amarré sa pirogue derrière le bateau, et dépose à nos pieds un saut plein de grosses moules, que nous dégusterons pendant plusieurs repas, puis nous effectuons ensemble différentes manœuvres, il hisse la grand-voile avec Pierre, nous passons devant le village et commençons à sortir de la baie, après un « au revoir » ému, nous lui promettons de revenir dans un mois, il remonte dans sa pirogue pour rejoindre le village. Ce départ est d’autant plus émouvant que Toto appartient au peuple de la mer, une grande partie de ses nuits il les passe sous l’eau, à chasser le poisson, et ses journées, sur sa pirogue, pour transporter des personnes, ou pour se déplacer. Malgré nos différences, on appartient au même peuple, pour la même aventure des mers. Il est 12H30 et nous affrontons la traversée pour la Chine, nous avons tellement vu de mauvais temps sur cette route dans les bulletins météo que malgré le peu de vent et de vague prévus, nous restons circonspects. Nous avions renoncé à cette traversée mais le beau temps s’est annoncé le dernier jour de notre visa pour les Philippines, il y avait une échappée possible vers la Chine et nous l’avons prise, Le rythme de navigation s’installe peu à peu, dès la sortie de la baie, la houle nous cueille, et nous malmène, on ne regarde même pas en arrière, pas un regard pour la côte qui s’éloigne, tellement nous sommes préoccupés par ce voyage, tendus vers notre but : la Chine !

 

 

La Chine ! Je mélange toutes ces lettres, je jongle avec elles,- irons-nous, n’irons-nous pas ?- j’invoque son nom comme un talisman pour nous guider, jamais un pays ne nous aura tant fait rêver, et ne nous aura tellement paru inaccessible. Typhons, tempêtes, grosses vagues, qui déferlent sur ses côtes, pendant des mois, nous avons scruté sa météorologie, sans aucune perspective, aucune possibilité de l’atteindre, et nous voici, maintenant, en mer de chine, en route pour Hong Kong. Nous avions promis à nos filles, il y plusieurs années de cela d’aller en Chine en bateau, c’était devenu un jeu entre nous, quand nous étions encore à Tahiti « alors quand est-ce qu’on va en Chine » nous demandaient-elles souvent ? Promesse à des enfants, pari sur la vie, ce qu’un voyage peut tenir à un fil…

Trois heures après notre départ, nous croisons encore des bankas, ces pirogues à balancier propulsées par un moteur, les hommes sont debout tenants leur long gouvernail, disparaissant complètement dans la houle puis resurgissant sur la vague haute, on dirait à peine qu’ils sont sur des bateaux, mais chevauchant les vagues ; ils s’approchent de nous, par curiosité, intrigués sans doute de croiser un voilier, ils sont entièrement habillés, pantalons, tee shirt à manches longues, et la tête, emmitouflée dans des tissus. Ils me font penser aux cavaliers peints dans les tableaux de Gauguin, sur des chevaux roses, dans les reflets de soleil couchant marquisien. Courage de ces hommes et impression de puissance, à chevaucher la mer, je les prends pour des demi-dieux.

 

 

La houle se calme, le vent est presqu’inéxistant, nous allons mollement à deux-trois nœuds. Nous commençons à croiser des cargos, et pendant la nuit, ce n’est qu’un ballet de cargos, sur la carte électronique, repérés par leur signal AIS, s’affichent des dizaines de cargos, nous traversons le rail des cargos, et même si nous faisons route à la voile, ils ne se détournent pas ; dès que l’un d’eux se dirige sur nous, nous appuyons au moteur pour nous dégager ; nous les voyons passer, devant, derrière nous, sur les côtés. Sur le canal 16 de la radio VHF, on parle beaucoup, certains diffusent des morceaux de musique, de la pop en anglais, on parle chinois, et on s’insulte en anglais des « fuck you » fusent « fuck you chinese », on se dit « bonne année » en chinois, « Kung Hi Fat Choy », aussi en chanson, des chansons surannées aux intonations aiguës chinoises, dans deux jours, nous serons le 16 février, jour de l’an chinois, une nouvelle année va commencer, sous le signe du chien, on en est loin, mais avec ces échanges à la radio, c’est déjà une ambiance qui s’installe.

Nous mettons à plusieurs reprises le moteur, faute de vent.

Le ciel est rempli d’étoiles, deux d’entre elles éclatent en étoiles filantes, la mer est veinée de crêtes lumineuses, des traits fluorescents, dans la mer calme, les lumières des cargos. Les étoiles par milliers et les crêtes des vagues lumineuses.

15 février, petit matin, ayant dormi d’un sommeil intermittent. Nuit de veille, journée apathique, ensommeillée, déjà sur une autre planète, celle de la mer qui ôte le jour et la nuit, mélange les rythmes, éveille aux étoiles, endort au soleil.

Mer calme, quelques cargos encore, et coucher de soleil effiloché de nuages ardents, spatulé de rose.

Hier, à la radio, une voix : « what are you doing here ? Go back to your country! ». Qu’est-ce que tu fais ici ? Retourne dans ton pays. Je l’ai pris pour moi, c’était une injonction, j’étais comme Ulysse qui voulait rentrer dans son pays et était retenu par l’envoûtement de la mer et de ses îles. Après un long silence, une autre voix a répondu par la même phrase, une phrase comme un code entre deux personnes, ou une phrase à l’encontre des étrangers, pour leur dire de s’en aller, ou cette phrase, pourquoi pas, pour un magnifique nom de bateau, quelqu’un qui chercherait un bateau du nom de « what are you doing here ? Go back to your country ! ».

 

Le 16 fevrier , jour de l’an chinois

Silence radio, pas de «  Kung hi Fat choy ». Rien. Tous les équipages ont dû festoyer, sont maintenant fatigués. Jour gris, à peine voyons- nous la masse grise des cargos à l’horizon. Petit près sur mer calme.

Nuit noire puis petit matin gris.

Les enfants dans la grotte, sous la table.

 

Dans la « grotte »

 

le 17 février

Au près vent de Nord, au lieu de Nord-Est avec 10-15 nœuds de vent, soit un vent modéré, la situation n’est pas désagréable mais le vent forcit la nuit, entre 15 et 20 nœuds, cela devient vite inconfortable.

18 février

Le vent vire de travers toujours entre 15 et 20 nœuds et on passe une après-midi tranquille.

La nuit, le vent forcit entre 20 et 25 nœuds, la mer est hachée, houle de travers, vague contre. C’est le chaos, la guerre, l’Afghanistan.

Le 19 février

Le vent forcit encore, près de 30 nœuds dans les rafales, au près, on réduit la grand-voile et nous ne laissons qu’un morceau de génois déroulé. Le vent furieux, la mer secouée, en plus des cargos et des plate-formes de pétrole à éviter. Avant de réduire, le bateau allait à près de 10 nœuds avec les voiles réduites, nous sommes à 6-7 nœuds maintenant. Le vent hurle dehors, on dirait que le bateau glisse, fait du patinage sur les vagues, c’est le mouvement d’une danseuse dans le chaos qui règne. Plus on s’approche de la Chine, plus la Chine semble s’éloigner. Inapprochable, inatteignable.

On ne dort pas de toute cette nuit, la nuit est noire, il y a la ligne lumineuse des vagues, le bruit des vagues, la drisse qui bat, le vent qui hurle. Impossible de se plaindre, de se dire : « ces conditions n’étaient pas celles annoncées à la météo », de se laisser aller à l’apathie, une force vitale nous anime. Les philosophies chinoises taoïsme, bouddhisme, confucianisme me reviennent en tête, j’essaye de garder le Qi, l’influx vital en moi, de le faire circuler et fructifier, j’essaye de prendre la force du vent. Je m’exerce pour la première fois à ces exercices mentaux. Je me souviens de ce qu’a dit Lao Tse : « l’eau qui favorise tout et ne rivalise avec rien. »

Les livres se sont répandus par terre, le tiroir de la table à carte a vomi son contenu -ce qui a bien fait rire Alice, qui n’en revenait pas qu’une vague prise sur le côté ait pu faire ça. Le globe-terrestre gît à terre, comme une bataille perdue avec la mer.

Nous avons pensé en finir avec les aventures de la voile, tout en continuant à avancer à la voile, chaotiquement.

Au bout de cinq nuits passées en mer, Hong Kong apparaît en haut de la carte électronique.

Plus on approche des côtes, plus le vent et la mer se calment, comme pour nous dire, tout cela est possible : arriver.

Il y a encore ces bateaux lumineux autour de nous, comme des abeilles, encore plus nombreux sur la carte, et les îles, les phares, à surveiller.

Arrivée à Hong Kong

Dans la nuit, je me repose de mon dernier quart, puis je me réveille, nous entrons dans la baie de Hong-kong, je me souviens d’une euphorie fabuleuse, c’est tout simplement de la joie, la joie du parcours accompli, la joie d’y être arrivé, une de ces émotions intenses qui naissent des voyages en voilier. Nous sommes emmitouflés dans nos cirés, et nous rayonnons. Joie, fierté, se sentir humain, pleinement humain.

 

Les nouveaux territoires.

 

Le paysage est surprenant, très surprenant, nous voyons les contours des petites collines se dessiner à l’horizon, et aucun immeuble, aucune urbanité à l’horizon, la mer est très calme, étrangement calme, nous sommes arrivés dans un monde d’enchantement, après les épreuves du dehors. Nous avons choisi d’aller à l’est, vers les Nouveaux Territoires, car une marina peut nous y accueillir, le Royal Hong Kong Yacht Club, rien que le nom de cette marina m’a fait rêver pendant des mois, et nous sommes maintenant dans la baie de Hong Kong, en Chine. La Chine, la Chine, je répète ce nom là, tels les explorateurs des siècles passés, en même temps que nous voyons défiler les petites collines, il y a comme un demi-jour, une lumière rose, cotonneuse, qui éclaire le paysage, et rend l’atmosphère irréelle, toute imprégnée de rêve. Nous sommes pourtant en pleine nuit, est-ce la lumière de la lune ? Soudain apparaissent les lumières de l’île de Hong Kong, entre deux collines, puis disparaissent, aussi soudainement ; à nouveau, le paysage de coton, les contours moelleux des collines, la lumière diffuse. Puis jaillit un groupe de barre d’immeubles, éclairés de mille feux, nous, absolument seuls, dans la baie de Hong Kong, aucune embarcation, aucun appel à la VHF de gardes-côtes, aucune tour de contrôle, nous entrons dans les eaux territoriales chinoises, dans la baie de Hong Kong comme chez nous, dans le silence de la nuit.

Nous trouvons la marina, et à tâtons, se faufilant entre les voiliers, nous allons à un ponton d’amarrage de disponible, c’est désert, nulle âme, que l’âme des bateaux, atmosphère de coton, il fait froid, les enfants dorment, Pierre va se coucher, je prends une douche glacée dehors sur la plate-forme arrière du bateau, et je vais me coucher, nous n’avons pas encore touché terre.

 

Petit matin, premiers pas en Chine.

 

 

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En fin de journée, nous levons l’ancre, nous partons au moteur, Lucile souffle dans le grand coquillage et le long son se propage dans notre sillage, et au-delà, résonne dans toute la baie. Nous franchissons la passe, le ciel, la mer, absolument calmes: ciel gris bleu, nuageux, absolument séduisant. Deux bateaux de pêche nous précédent, l’équipage nous fait de grands saluts de la main, l’île de Yap s’évanouit, revient à l’état de rêve, infime, infime partie du monde. Où se trouve l’île sur la planisphère ? Ses raies mantas ne sont même qu’un rêve.

 

 

Le lendemain, jour de grand soleil et de petit vent, des fous, des frégates nous accompagnent. Petit cri aigu du gréement comme un cri d’oiseau.

Le jour suivant. Petit vent faiblard et mer pas de mer, soleil soleil. Trois paille-en-queue virevoltent en haut du mât, pétales de fleur blanche, où allons-nous? Des bateaux virevoltent autour de nous, alarment les alarmes. Bateaux de pêche et filets dérivant que nous voyions sur l’écran bien avant que nous les voyions près de nous. L’écran est parfois maculé de petits points et rien à l’horizon, nous sommes absolument seuls dans notre univers, eau et ciel. Ces hommes viennent de Taïwan, de Corée, partent pour des mois de pêche et de mer sur des bateaux brinquebalants. Que sommes-nous ?

Le lendemain. Harmonie, sérénité, beauté. Paix, paix, beauté, pacte avec la beauté. La mer est d’un tel calme, on est rempli d’elle. La nuit, au moteur, le jour au spi, on se prend à rêver à l’extraordinaire, pouvoir voler, voler comme nager, un petit tour dans le ciel et on revient au bateau -j’avais écris « on revient au beauté »-, comme ces oiseaux qui volent au-dessus de nous.

On fait des moyennes de 80 miles par 24 heures, de quoi affoler les écuries de course. On a pris le rythme de Yap, sa paix, sa lenteur, comme ses chansons sur lesquelles dansaient les femmes de Lamotrek, où les voix sont démultipliées, la musique ralentie.

On a rarement vu la mer aussi tranquille, la mer à peine ridée, encore dans sa jeunesse, le ciel, lui est comme souvent bouleversé par de petits nuages de toutes formes, des petits, ronds comme des O d’étonnement, des effilés, des champignons cumulus, à tous les étages du ciel qui en comporte bien une quinzaine. La nuit, les étoiles tendues sur fond noir, prennent la place de la couleur du ciel et de la mer, de la lumière, de la clarté du jour.

 

 

Les jours suivants.

Je ne me lasse pas de cette mer, elle est splendide, calme, à peine de petites vagues la parcourent comme un long frisson, de petites rides de la maturité froissent maintenant sa peau, son bleu profond s’étend à perte de vue, et l’horizon forme un cercle parfait; le ciel, lui, ponctué de nuages, ferme la voûte du bleu, bleu de mer, bleu de ciel, bleu des nuages.

 

 

Nous croisons encore de nombreux bateaux et filets dérivants dans un horizon lointain, seulement visibles sur l’écran de la carte électronique, car la mer, elle, est bien à nous, au vent, au soleil, à la pluie.

Spi déchiré dans un grain, le taquet de la drisse a cédé, le spi s’est affalé dans la mer et sous le poids de l’eau s’est déchiré. En même temps, nous n’avons rien perdu, les minutes passées à dix noeuds avec le spi gonflé, énorme, pendant que le grain derrière nous arrivait et faisait accélérer le vent; moment de fascination: la vitesse, la beauté de la mer sombre, la pluie qui a éclaté d’un coup, comme ça. On se disait que quelque chose allait finir par craquer.

Pendant deux jours, le vent a accéléré, la mer toujours aussi sereine: 12 nœuds de vent, pour une vitesse de cinq nœuds, juste avec le génois. Pas mal.

La nuit dernière une baleine s’est approchée du bateau, nous étions presque endormis quand nous avons entendu son souffle, Pierre a aperçu son dos et m’a appelé, la nuit était presque noire, et on entendait le souffle puissant sortir de l’eau.

La vie quotidienne : on lit, on regarde des films, on écoute de la musique, on écrit, on cuisine, on joue aux cartes, aux poupées, aux jeux sur la tablette, on fait de la gym, au milieu d’une mer unique, aux changements infimes, dont nous sommes les seuls témoins. Mer, ciel, nuages, nuit, étoiles, lune, aux infinies variations, au spectacle intime.

 

 

On oublie de compter le temps – quel jour sommes-nous ? Depuis combien de temps sommes-nous partis ? – sont des notions qui s’estompent. Dans une autre vie, on s’est épuisé à compter le temps, le surveiller, le chronométrer, le compresser pour y faire entrer le maximum de choses. Une vie pleine, toujours prête à craquer, intense, parait-il. Tout le travail de ce voyage a été de déconstruire le temps, de le désemplir, de le vider, de le retrouver, dans toute son essence, de le faire sien.

Était-ce hier ou avant-hier que nous avons vu deux demi-arc-en ciel ; et ces oiseaux, quand les avons vus ? Où ? À quelle latitude, à quelle longitude ? À quel degré, quel degré d’incertitude? Était-ce dans la zone de pêche ? Trois paille-en-queue groupés, un autre solitaire. Et cet objet qui flottait à la surface, comme un cylindre ? Plus de repère de temps, qui n’ont plus aucune importance.

Seule la trace du bateau sur l’écran atteste le chemin parcouru.

Lorsque les îles sont apparues, nous avons regardé la date et l’heure: nous étions le 4 mai, il était 16 heures. Les îles sont apparues devant nous, en même temps qu’un demi-arc-ciel, sur l’arrière du bateau. Deux petites îles noires, droit dans le soleil, dont le relief assez plat se dessine à l’horizon. Une autre île plus longue et plus haute, comme un nuage aux contours cotonneux. Îles des Philippines, îles d’Asie, ce chemin, cette lenteur, qui nous fait accomplir ce pas de géant, passer d’un continent à l’autre, de l’Océanie à l’Asie.

Toute la nuit au moteur, à veiller à l’avant du bateau, à écouter de la musique, en avançant dans la nuit, j’ai vu une comète fondre dans le ciel, des étoiles filantes s’y écrire comme des virgules brûlantes, et cette mer qui vibre au passage du bateau, en résonance.

Dans l’à peine jour, quand le noir s’estompe, fond, devient gris, de plus en plus clair, blanc, des dauphins, des petites ombres dansent devant les étraves du bateau.

C’est le petit matin, nous arrivons dans le grand golfe de Tacloban, le jour s’est levé, le soleil est venu par petites touches de rose, de bleu, de doux sur les collines environnantes. Petit matin du vaste monde.

 

 

Nous croisons des pirogues de pêcheurs à double balanciers, des filets de pêche matérialisés par des bouées: c’est un parcours d’obstacles qui requiert toute notre attention. Nous nous enfonçons dans le golfe, nous longeons des terres vallonnées qui paraissent peu habitées, quelques villages aperçus au bord de la mer, de hauts rochers noirs surgis sur le côté. La mer est complètement plate, nous sommes comme sur un fleuve entouré de montagnes, comment imaginer le super cyclone qui a dévasté les lieux en 2013 ? Au fond du golfe, la ville de Tacloban, que surplombe un lourd nuage de pluie.

 

Fuite sur le silencieux du moteur, spi déchiré, taquet de drisse arraché, mat à régler, on arrive, complètement dépendants de ces choses matérielles, de la technique et sans doute, libres.

 

Bankas

 

Les Bankas glissent sur l’eau

Ce sont de drôles de bateaux

Avec une coque et deux flotteurs

Sans oublier un petit moteur

Elles filent comme l’éclair

Pour aller vers la mer

 

 

Elanore – Tacloban, Philippines début mai 2018

 

 

Easy Sailors

Pétarades, caracolades,
Cool attitude et  bandanas,
Embruns, brises et bises,
Barbes hirsutes, cylindres sauvages, trépidations,
Étraves fumantes, chromes rutilants,
Gros cube, pots d’échappement,
Blousons de cuir et cirés jaunes, cheveux aux vents,
Petites pépées et lunettes noires,
Bouteille de jaune et carrés noirs,
Vagues à l’âme et lames de fond,

C’est tout cela « Easy Sailors »!

 

 

 

Le pays des bateaux jaunes

Au premier abord cela n’a l’air de rien. Un coin de mer coincé entre deux îles : un chenal quadrillé de fermes aquacoles ; deux débarcadères de ferry, l’un ici, l’autre là ; la plainte lancinante d’un karaoké.

Sur le promontoire rocheux, entre deux sculptures étincelantes, un sioux fait signe à l’horizon.

Et des bancas, des bancas par dizaines.

La banca, c’est la fierté nautique des Philippines. Une étrange libellule, croisement contre nature entre une pirogue et une araignée d’eau. Une coque effilée, trois bras soutenus par des ficelles, deux bambous en guise de flotteurs.

Elles ont aussi un moteur, un moteur de tondeuse à gazon : refroidissement à air, leur chant rappelle celui d’Evinrude, la libellule de Bernard et Bianca.

À Bolinao, les bancas ont la proue et la poupe relevée comme les canoës des Indiens d’Amérique. Elles ont les bras de liaisons inversés également.

Bolinao, le pays où les bateaux sont jaunes.

 

— Pourquoi les bateaux sont jaunes ? ai-je demandé à Toto.

Au début, il plaisante : C’est la seule couleur disponible au magasin ! Puis m’explique que c’est la couleur locale. À San Fernando, elle sont vertes.

 

Mouillé entre les îles, entre pêcheurs et débarcadères entre terres et ciel, Caracolito ne dépareille pas. Il n’appareille pas, non plus, il se prélasse.

Le matin, la baie se transforme en place de la concorde fréquentée par une meute de jardiniers et de mobylettes, les bancas passent en vrombissant de part et d’autre. Bancas, Ferry, bancas, tondeuses, mobylettes… Des pêcheurs à la traîne tournent autour de nous. Il y a aussi ces étranges barges allongées et sous-motorisées, surchargées de sacs, de terre ou de passagers ; barges blasées traçant leur sillage de limaces.

 

 

À quoi définit-on le paradis ? À une couleur, le jaune ? À un sourire ?

Toto, c’est un sourire. Un sourire édenté.

Un jour, Toto vient à bord pour nettoyer les coques. Il sort son attirail de plongée : combinaison rapiécée, palmes faites-maison, masque du commandant Cousteau, gants en laine… Je lui donne un tuba. Il refuse, il ne peut pas l’utiliser.

Toto ne veut pas lire. Pourtant il sait, mais il ne voit plus très clair.

— Tu n’as pas de lunettes ?

— Cela coûte trop cher et puis je suis habitué.

Un jour, Toto nous invite chez lui. Il vit au-dessus du débarcadère où nous laissons l’annexe. Dans la colline, où s’entassent une vingtaine de bicoques. Rigoles d’eaux usées qui forment les ruelles étroites, murs moisis, Il est difficile de savoir si sa maison est une ruine qui a été rafistolée, où si elle n’a jamais été terminée.

À l’intérieur c’est un havre de paix. Tout le confort moderne, il y a l’eau courante, une télévision et une machine à laver. Deux pièces, briquées, repeintes, propres. Rien ne traîne. Il n’a pas non plus beaucoup de possessions à laisser traîner.

Toto nous présente sa femme. Elle travaille à l’hôtel « Sundowner » qui surplombe le quai. Il insiste pour que nous allions voir le directeur « Mister Bruaux », il est du même pays que vous !

Au mur, au-dessus de la télévision, il y a trois cadres avec les photos de ses enfants.

La télé est allumée, nous discutons.

L’écran, diffuse la castration d’un taureau, avec tous les détails anatomiques. Alice veut savoir ce qu’ils font à la vache… Nous faisons semblant de ne pas entendre.

En partant, nous croisons le plus jeune fils de Toto. Les deux autres sont à Manila. Ils travaillent ou font des études, peut-être les deux à la fois. Il parfois difficile de comprendre Toto, il mélange les temps, le passé, le futur, tout est au présent.

Toto nous présente son plus jeune fils : — She is my son ! (Elle est mon fils).

Cela le fait marrer. Puis nous explique qu’il dit « she » car il est gay.

A nouveau, il rigole. Sur ces cinq enfants, il a deux garçons homosexuels. Il en parle sans honte, gaiement.

Bon, moi qui avais compris qu’il n’avait que trois enfants… je suis perdu. Nous reprenons les comptes. En fait il aurait 3 garçons et deux filles. Mais ils ne seraient pas tous les enfants de sa femme qui elle en aurait trois, pas tous de Toto.

On ne cherche pas plus à comprendre, ils forment leur famille et semblent heureux comme cela.

Toto veut amener sa famille à bord. Son fils en rêve. Faire un selfie sur un « yaté ». Pas de problème, qu’il les amène demain.

Le lendemain, Toto arrive seul. Ils sont trop « shy », ils n’osent pas venir.

Séance photo avec Toto et sa banca.

 

 

Toto est taxi-pêcheur.

Sa fortune c’est sa banca, son outil de travail. Maria Jamela. Il la pilote fièrement, debout en tenant la longue perche du gouvernail. Un taxi jaune, nautique, qui emmène des passagers dans les différentes îles qui forment le dédale autour de Bolinao. Un taxi jaune, comme à New-york !

La course est payée 250 pesos, les bons jours, il en fait 4. Cela, plus la pêche, il arrive à gagner jusqu’à 1000 pesos par jour.

Toto nous a pris sous son aile. À chaque fois que nous débarquons, nous le voyons accourir. Passe-t-il ces journées à guetter notre venue, ou ces copains le préviennent-ils ?

Un jour, nous achetons des moules sur la plage.

— Mister Pierre, tu aimes Seafood ? »

On adore. Le lendemain, il nous en offre un seau de huit litres. Un autre jour, c’est une dizaine de crabes. Ce jour-là le déjeuner de Lucile dure deux heures. Consciencieusement, elle récure tous les recoins des carapaces.

 

 

Toto a aussi un scooter. Il l’a acheté à crédit. 15 000 pesos, à rembourser sur 4 ans. Il en est très fier. Plusieurs fois il insiste pour m’emmener en ville, Je ne suis pas très fier cramponné sur son porte-bagage.

A Bolinao, les gens nous reconnaissent et nous sourient, des petits signes de têtes amicaux,

« tres marias » chuchotés sur le passage des filles. « So beautiful ! »

Il y a la grosse dame qui supervise le nettoyage des moules et la mise en sac. Le copain simplet de Toto. Il y a aussi le chauffeur de tricycle à lunettes. Peut-être les seules lunettes de la ville. Il a une moustache et des cheveux blancs, une bouille ronde et son tricycle est aussi couvert de chromes qu’une Harley Davidson.

Aux Philippines, les vendeurs de tuning pour « Motocycle » font fortunes. Partout des ateliers, où l’on soude, polit, bricole, installe des diodes multicolores, répare des pneus. Les rues de Bolinao, prennent des allures d’équipée sauvage, les abords du marché : un rassemblement de « Bikers », « Easy rider » au quotidien.

 

 

Nous partons pour Hong Kong. Au matin, Toto est là avec sa Banca pour nous dire au revoir et assister aux préparatifs. Il est ému, nous aussi, il nous a apportés des crabes et des moules, « pour la route ».

Nous appareillons, la Banca de Toto en remorque. Il nous aide à hisser la voile, nous passons devant l’embarcadère, sa minute de gloire : tous ses copains voient à bord. Il embarque sur son esquif, et retourner à terre pendant que nous nous éloignons vers la chine.

A Bolinao, nous entraînerons Le Ouistiti. Marielle et Eric n’aiment pas. Trop de bruit, trop de mouvements, trop d’animations. Ils ont raison. Bolinao est bruyant, animé, inconfortable.

Alors Pourquoi avons-nous aimé ? À cause de la couleur des bateaux ou d’un sourire édenté ?

 

 

Sous l’O d’ApO

Apo reef: un confetti d’atoll perdu au milieu des Philippines.

Caracolito y débarque un peu par hasard… Un équipage danois rencontré à Calauit nous en parle brièvement et cela a fait écho aux photos de raies Manta entraperçues à Coron. C’est presque sur la route pour aller vers le nord. Il n’y a pas de vent, nous décidons de nous y arrêter.

Sur une île minuscule à coté d’un grand récif corallien, vivent une demi-douzaine de « Rangers » chargés de la protection du parc naturel.

Impossible de mouiller, les fond tombent trop vite et sont parsemés de coraux. Quelques bouées sont mis à la disposition des bateaux de passage.

C’est l’occasion de faire une petite ballade sous-marine entre requins pointe-blanche, tortues et napoléon. Une baleine de Minke (ou petit rorqual) viendra même nous visiter rapidement.

 

 

 

 

Taches et Rayures

Comme on dit, vaut mieux un long discours qu’un petit dessin.

A défaut de discours, voici un résumé en image de notre visite de l’ile Calauit.

(Aucun animal – ou enfant – n’a été maltraité pendant le tournage…)

 

Playlist d’Alice

Pendant les traversées, Alice adore écouter de la musique et impose ses playlists! Des choix parfois surprenants et un peu entêtants!

La playlist d’Alice:

  • Kiss (qu’elle prononce SKis) – « the very Best of Kiss » (avec une préférence pour: I Was Made For Lovin’ You )
  • François Hadji-Lazaro (Pigalle) – « Ma Tata, Mon Pingouin, Gérard Et Les Autres » avec une préférence pour les titres Avec Mémé, au supermarché et Madame la fée est au chomage
  • Zaz – Album éponyme (Les passants, La fée … Éblouie par la nuit…)
  • Black M – Le prince Alladin, Sur ma route
  • Aqua – Barbie Girl (Bin voyons!)
  • M et Vanessa Paradis – Bande originale du film un Monstre à Paris –  Paris Paname, La seine
  • Michel Jonasz – Lucille
  • Eddy Mitchell – Alice
  • Noir Désir – Alice

De l’ecléctique, de l’électrique… et aucune influence de ses parents…

 

6 ans … tonight!

Janvier 2017, nous étions dans les iles Salomons! Un an plus tard Nous sommes dans Honda Bay près de Puerto Princesa à Palawan… Et Alice fête ses 6 ans!

Un an de plus qu’elle n’avait l’année dernière, un an de moins qu’elle n’aura l’an prochain!

 

 

 

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