// Caracolito » 2016 » octobre

Flanerie au royaume des Tonga

Nous sommes au Royaume des Tonga, celui que James Cook baptisa « île des Amis » en 1773 en raison de l’accueil chaleureux qu’il y reçut et malgré le massacre de plusieurs de ces hommes. Le royaume fût établi dès le X ième siècle. C’était un vaste royaume au sein de l’Océan Pacifique, qui s’est étendu au XVIII ième siècle des îles Hawaii jusqu’aux îles Fidji, incluant l’île de Niue. Après avoir été devenu un protectorat britannique, le royaume des Tonga a acquit son indépendance en 1970 et est membre du Commonwealth britannique. Depuis 2008, le roi George Tupou V a renoncé à tout pouvoir politique au profit d’un régime parlementaire.

Les Tonga comporte 170 îles réparties en trois archipels, c’est l’archipel des Vava’u, celui le plus au nord que nous choisissons pour naviguer.

 

 

L’archipel de Vava’u est une mer intérieure d’où jaillissent les îles de corail, au socle remonté, gonflées de végétation, certaines, bordées de sable blanc qui étincelle au soleil, soulignées d’ eaux turquoises, d’autres, inaccessibles, imprenables à cause de la forêt dense qui les couvre et du socle de corail qui fait barrière, d’autres encore sont bordées de petites plages mordorées baignées d’eaux opaques. La navigation est facile, les eaux sont profondes, avant de toucher les îles, l’océan Pacifique est comme calmé, retrouve son côté mer, presque maternel. Les baleines viennent mettre bas dans les eaux extérieures et leurs petits au sein, elles s’aventurent parfois à l’intérieur de la mer.

Port Maurelle

Il y a des noms que l’on lit sur la carte et qui vous attirent sans savoir à quoi ils correspondent et ce nom si français de port Maurelle dans un territoire si éloigné de la France m’avait attiré comme un aimant. J’avais imaginé un navigateur du nom de Maurelle mouillant avec sa goélette dans la baie et avec l’ethnocentrisme caractérisé des navigateurs, donnant son nom à cette baie des Tonga. M.Maurelle était en fait espagnol, il était bien navigateur, et bien sûr ethnocentrique. La baie porte le nom de ce navigateur qui fût le premier européen à visiter l’archipel de Vava’u.

La baie de Port Maurelle est occupée par une huitaine de voiliers venant de tous horizons, américains, anglais, suédois, australiens et le soir sur la plage au fond de la baie, nous nous retrouvons autour d’un feu de bois. « feu de bois, feu qui chante, joli feu de bois… » les enfants pétillent de joie, les flammes s’élèvent jusqu’au ciel, se mêlent aux étoiles et au fond de l’eau, les étoiles de mer bleues jonchent le sable d’or…

Il y a une grotte au nord de la baie : c’est une grotte très haute aux eaux très profondes, la mer qui y entre prend des couleurs de nuit, d’un bleu sombre, parfois noir, sous l’eau des centaines de poissons gris à peine éclairés par la lumière venant du dehors, et la grotte permettant le passage, nous allons du dedans vers le dehors, du sombre vers la lumière, de la profondeur vers la surface.

 

 

Et nous nous laissons glisser au dehors pour une longue ballade aquatique le long des massifs coralliens qui bordent l’île.

Ballades en kayak avec notre planche à voile, les trois enfants accrochés à la planche, observant les fonds marins, exploration des anfractuosités dans le corail. Robinson sur la plage : nous tirons des flèches avec des arcs en bois, nous nous abritons sous une cabane laissée par des enfants. C’est la vie sauvage qui nous reprend.

Neiafu

La ville, une ville avec des bistrots, des cafés, des magasins, des laveries, des accès internet, et partout des gens, aux terrasses, dans les rues, dans les magasins, la ville nous reprend. Le bar Basque devient notre quartier du soir, il y a là un billard, on y sert du cidre, des sangrias, de la bière tongienne, on y entraîne nos copains de bateau, les voiliers Sodric, Métamorphose, Galathée, Yann du voilier kirikou – eh oui comme une bouffée de parfum de tiare, nous retrouvons Yann de Tahiti, en escale aux Tonga sur le voilier qu’il convoie – on y parle de nos navigations passées et futures, des canaux de Patagonie, de l’Amérique du sud, de l’Asie, on y parle de la liste des trucs à faire…

 

 

A bien y regarder, Neiafu est une toute petit ville, étalée sur la colline, avec deux rues principales, ses petits magasins qui vendent tous la même chose au même prix, un marché regorgeant de fruits et de légumes, une église majestueuse, à la façade blanche éclatante. La ville domine une large baie, dans laquelle s’amarrent les bateaux, et comme enclose par les petites collines alentour, parfaitement abritée, elle est un havre, protégeant des tempêtes, et même des cyclones. Et comme à l’abri du temps, ses habitants se promènent dans leurs habits traditionnels, les hommes et femmes en jupe longue, de coton noir, avec par dessus une jupe de natte tressée, ceinturée autour de la taille, ou dressée dans leur dos.

Enterrement en fanfare, au son des cuivres et des cymbales, accompagné par les musiciens habillés en blanc faisant une musique tellement mélancolique, qu’il est impossible de se tromper sur la raison de cette fanfare.

Des chauve-souris survolent les arbres et comme un pied de nez à la vie, observent la tête à l’envers, accrochés aux branches des arbres, passagers des deux mondes. La chauve-souris est un animal sacré aux Tonga comme dans beaucoup de pays, on dit qu’elle est la manifestation physique d’un esprit errant.

Nous sommes amarrés près des arbres, à flanc de colline ; l’eau est verte , les feuillages des arbres se reflètent dans l’eau, donnant sa couleur verte à l’eau, imprégnant la surface des choses comme un glissement du monde végétal vers le monde aquatique.

 

Vaka’eitu

C’est une île formant une baie fermée par plusieurs îlots, jardin de corail à l’est, jardin de corail à l’ouest, « whale reef » le reef aux baleines, les endroits de snorkelling ne manquent pas, dès que l’on s’approche des eaux profondes, l’eau près des coraux se clarifie et révèle sa multitude de poissons, il y a une petite anse près du whale reef dans laquelle des centaines de poissons évoluent, c’est magnifique, nous voyions aussi beaucoup de corail mort ici comme nous en verrons beaucoup aux Tonga. Réchauffement climatique ? Tempêtes ? Bouleversement de l’écosystème du à la pêche ? Celle excessive des conches géantes ? Celle des holothuries (concombres de mer) faite parait-il à la dynamique ? Nous ne connaissons pas la cause. Le nombre de poissons est encore exceptionnel, partout aux Tonga les eaux frémissent de poissons, ce sont ces scènes de chasse qui font notre quotidien, en particulier les bancs de carangues chassant d’autres poissons, les oiseaux pêchant les poissons, nous avons vu beaucoup de fois des tortues surgissant à la surface des eaux et les fonds sont peuplés par de nombreux poissons.

Source WWF : « les populations de mammifères, oiseaux, reptiles et poissons marins ont chuté de moitié depuis les années 1970 du fait de la surpêche, de la pollution et du changement climatique. Selon les experts, les récifs coralliens et prairies sous-marines pourraient disparaître du globe d’ici 2050 sous l’effet du réchauffement climatique, sachant que plus de 25 % de toutes les espèces marines y habitent. L’action de l’homme est à l’origine de ces tendances : de la surpêche et des industries à l’aménagement du littoral et à la pollution, en passant par les émissions de gaz à effet de serre responsables de l’acidification océanique et du réchauffement des mers »

Toujours cet héritage fait de progrès et de déchets…

Une famille habite sur l’île et nous prenons part à un repas qu’elle a organisé pour les équipages des bateaux: au coucher de soleil, une longue table dressée sous le majestueux banian, les plats disposés sur la table, l’homme à la guitare, la femme au chant, la fille, vêtue d’une longue jupe noire et d’un corsage noir souligné par la jupe de natte tressée danse, et cette danse est presque exclusivement une expression des mains, son corps à peine ondule ; que nous conte t-elle, qu’est ce que ses mains nous disent ? Et les mots et le sens des mots se fondent dans le soleil couchant, dans la lumière rouge répandue sur la mer, dans l ‘air saturé d’humidité, du bruissement confus des insectes, dans les branches millénaires du banian.

 

 

L’île Euakafa

Elle s’appelle Euakafa mais on pourrait l’appeler l’île de Brit. Dès que nous approchons de l’île, Brit vient de la plage avec son kayak pour nous guider et nous indiquer le bon mouillage. Brit est un australien qui vit depuis trois ans sur cette île, ayant recueilli l’autorisation de la famille tongienne à qui appartient l’île ; il vit torse nu, le sourire éclatant, entouré de sa cour de chiens, il habite une maison peinte en bleu aux fenêtres toujours ouvertes ; on pense à la chanson « c’est une maison bleue adossée à la colline on y vient à pied ceux qui vivent là ont jetés la clef » . Il a construit un petit trimaran avec du bois de Nouvelle-Zélande qui lui permet de se rendre à Neiafu la ville, Brit va de temps en temps en Nouvelle Zélande et ailleurs pour tourner avec son groupe de musique, puis revient dans son île. Brit n’a besoin de rien d’autre : il vit entouré de beauté : l’eau qui baigne l’île est claire, transparente, la plage de sable blanc, pure, la forêt à l’intérieur de l’île a des arbres ensorcelants, des branches qui s’enlacent, des feuillages qui se penchent, des cocotiers droits, géants, des papayers à foison, hululements d’oiseaux, cris des pigeons , cris des mouettes, une chauve souris nous frôle et nous observe accrochée par les pattes , le ventre roux, les yeux ronds. Au fond de l’eau, les serpents glissent, les poissons scorpions déploient leurs nageoires, aussi légères que des plumes.Il y a tellement de postes d’observations, de point de vue, depuis la forêt pour regarder la mer, et les îles alentour, les oiseaux qui rasent l’eau pour pêcher, les barques et les voiliers qui passent, les poissons qui font frémir l’eau, les feuilles des arbres qui ondulent, les feuilles qui frissonnent. Pique nique sur la plage abrité dans la forêt, quelques mots de Le Clezio sur l’île Rodrigue, chaleur accablante de midi, piqûre des moustiques et plaisir des mots. Nous trouvons des bénitiers géants sur la plage à l’est de l’île, les Tonga sont une réserve de bénitiers géants, les pêcheurs viennent extraire les bêtes sur la plage et laissent les coquilles.

 

 

Nous étions venus sur cette île pour la légende, ce roi tongien en exil, venu avec sa bien aimée, puis poursuivi par les habitants, la bien aimée tuée, et la tombe la stèle érigée pour la bien aimée. Le chemin pour arriver au sommet est devenu inextricable, la forêt ayant repris ses droits, nous n’avons pas pu observer la stèle, mais, au bord de l’eau, nous trouvons d’étranges pierres rectangulaires comme des tombeaux, taillées au cordeau, et comme une histoire qui se répète, Brit n’est il pas ce roi, en exil, sur son île ?

 

L’île de Lautala

A peine l’ancre est -elle descendue au fond, le couple du voilier américain mouillé à côté de nous, nous offre une belle carangue donnée par des pêcheurs . Bienvenu aux Tonga, mouillage de l’île de Lautala!

Paysage d’eau bleue et d’îles, de platiers, de récifs, de ciel et de nuages, paysage des transparences, des nuances, des clartés. Près de notre bateau, un îlot de corail et de végétation mêlés.

L’îlot a une petite plage, on monte à son sommet, parmi les arbres, pins, palétuviers, on l’escalade jusqu’à son centre, on dirait un îlot de pécheurs , il y a des traces de feu, des coquilles jonchent le sol, des coquilles de bénitiers géants, d’huîtres perlières, d’autres coquillages torsadés dont la coquille a été trouée pour en extraire l’animal.

Le vent s’étant levé, le mouillage devenu légèrement houleux, nous allons mouiller à l’abri de la vaste baie de Tapana.

 

 

Entre l »île de Tapana et l’île de Pangaimotu

Une baie bien protégée, presque fermée et de l’autre côté de l’île qui la borde, une mer des merveilles, une mer d’eau turquoise et de lumière mélangés.

Quelques bouées d’amarrage appartenant à un couple de Néo Zélandais qui s’est installé ici et tient « the ark gallerie », la galerie « arche » comme l’arche de Noé, c’est une petite maison qui flotte en bois bleu peint avec des fleurs, des arbres, des arabesques; à l’intérieur, des tableaux, des bijoux, les animaux sauvés par Noé se sont transformés en tableaux en bijoux ou bien était ce qu’il y avait de mieux à sauver du déluge, ou bien était ce qui restait à sauver après le changement climatique ?

Le passage

Il est un passage entre deux falaises , abruptes, d’un rouge incendié, comme brûlé par quoi ? Les années ? Le feu ? L’eau est profonde, le passage étroit, on y passe, on s’y faufile, écrasé, par les hauteurs, incertain car ayant quitté quoi, allant vers quoi ?

L’île de Hunga

En allant vers l’île de Hunga

Mer plate, pas un souffle de vent, l’océan est ouvert, large, libéré des îles, infini, rejoignant le ciel au delà de la ligne d’horizon. Dépeuplé ? Non, car nous avons vu au loin, quoi ? nous nous approchons, nous nous approchons, si près, à 100 m, nous observons , pendant une heure : une baleine et son baleineau .

 

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Les baleines se dressent, se roulent, battent des nageoires, sortent la queue, tendent la tête, ouvrent la gueule sautent légèrement et retombent lourdement, elles soufflent , on entend leur souffle, est ce leur chant que l’on entend ? Elles sont noires et blanches, le dos noir, le ventre blanc, rayé de profondes stries. Aux alentours, des dauphins commencent leurs ballets de dos ronds et de pirouettes ; parfois au premier plan sur cette mer étale, nous avons les dauphins, au deuxième plan, les baleines. Alice endormie à côté de nous, à quoi rêve t-elle ? Ses rêves sont ils peuplés de baleines, de dauphins qui dansent ? Où est ce nous qui rêvons?

 

 

A part un étroit passage entre un rocher émergé et l’île, nul ne soupçonnerait pouvoir accéder au lagon de Hunga. Nous nous immisçons donc, scrutant le fond de l’eau, vérifiant les distances et accédons à l’intérieur du lagon. Ce n’est pas un lagon comme nous pouvons en voir en Polynésie, l’eau est profonde, sombre jusqu’aux bords des terres, l’île – il s’agit en fait de plusieurs îles formant une ceinture d’îles, se touchant presque – l’île qui l’entoure est haute d’une vingtaine de mètres, boisée, au sol de corail, avec quelques petites plages de sable doré. Les fonds sont très poissonneux, avec toutes sortes de petits poissons, et des poissons scorpions, poulpes, tortues… même si les eaux sont troubles, chargées de particules. Trois bateaux amarrés aux bouées, trois bateaux français : Galathée et Aquarel II partagent notre escale. Parler français à l’autre bout du monde, ah le plaisir ! la langue, notre pays.

Un autre grand moment de francitude nous attend sur l’île. Dès que nous débarquons, un jeune homme souriant nous accueille sur la plage : c’est Clément, toulousain, voyageur et rugbyman ! Il voyage en faisant 2 à 3 heures de travail par jour en échange du gîte et du couvert donné par ses hôtes. C’est ce qu’on appelle du woofing. Il est passé par le site work away. Il a ainsi voyagé un an en Nouvelle Zélande dans une île viticole, il a travaillé neuf mois en Nouvelle Calédonie, et il s’apprête à passer un an en Australie, après son séjour aux Tonga. Ici, il est chez un couple de canadiens qui a défriché un terrain, construit une maison en bois de Nouvelle Zélande et s’occupe des bouées d’amarrage.

Le village sur l’île : c’est l’après midi, le village est désert, petites maisons de bois, allées terreuses traversées par des cochons, jardins à l’herbe usée, dans une toute petite maison, dans le sombre, un billard et des hommes autour regardant la partie de billard, une femme veut nous vendre des coquillages à travers un grillage, des femmes allongées par terre sur des nattes,dans une maison obscure; au bout du chemin qui traverse le village, on arrive à des tombes, à leur tête, sur un bâton planté dans le sol, est accroché un tissu, une sorte de couverture en molleton qui se délite et se répand au gré du vent. Village lugubre et plein de désolation, on s’en va vite, seuls les arbres, gigantesques, sont emprunts de majesté, citronniers, manguiers, tulipiers…

Le soleil est revenu, et après avoir été protégés par le lagon pendant une semaine de mauvais temps, nous glissons hors de l’anse maternelle, vers le vaste océan.

Ice Cream Adventure

Sans pour autant se prendre pour Usbek ou Candide, nous constatons quotidiennement que le voyage bouscule un certain nombre d’habitudes et que la normalité n’est plus là où elle avait l’habitude de se trouver. Nos aventures les plus pittoresques surviennent dans les situations les plus anodines.

 

Ainsi, Elanore, Alice et moi étions partis en expédition pour trouver un « hardware store » (magasin de « bricolage ») dans lequel j’espérais trouver quelques équipements pour le bateau. L’adresse était facile : prendre la rue de la caserne des pompiers puis tout droit jusqu’à une « Christian Highschool » et c’est encore un peu plus loin, après là où il n’y a plus rien.

 

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En fait nous étions 4, Dora nous accompagnait…

 

Suivant la rue montante, nous nous extasions sur les aspects de la vie locale bien différents de nos habitudes polynésiennes.

Nous nous arrêtons devant le collège public et ses élèves en uniforme, les garçons portent des saris bleu avec une chemise blanche et les filles des robes bleues à bretelles et des chemisiers blancs. Nous notons les voitures qui roulent à gauche de la rue.

Alice me fait remarquer qu’un taxi roule avec sa porte coulissante latérale ouverte.

Plus loin nous observons des petits cochons qui vagabondent dans un jardin, l’un deux se sauve et traverse la ruelle.

Nous visitons les magasins chinois dont un porte le nom présomptueux de « Supermarket ».

Nous arrivons enfin en haut de la côte, puis devant une grande clôture devant une immense pelouse au milieu de laquelle se trouve un terrain de rugby et au loin le bâtiment grandiloquent de la fameuse « Christian Highschool ».

Le « hardware store » est au moins à 500m de là.

Je consulte Alice et Elanore. Malgré leur courage, je les sens un peu fatiguées par la presque demi-heure de marche que nous venons de faire. Il fait chaud, nous sommes en fin de matinée et le soleil est presque à la verticale. Le but de l’expédition n’étant pas essentiel, nous décidons de faire demi-tour et je leur promets une glace en arrivant au port.

Le retour se fait calmement, la rue descend et la perspective de la glace soulage les petites jambes fatiguées. En arrivant près de la caserne des pompiers, nous remarquons une petite cahute avec quelques tables et une pancarte « Ice Cream ». Nous nous arrêtons pour tenir la promesse faite quelques lignes plus haut.

 

Première étape : choisir le parfum.

Alice veux « fraise »…

Elanore demande quels parfums sont disponibles, je transmet sa question à la serveuse qui commence par servir les personnes derrière nous, puis nous explique qu’il y a : « passion fruit », « Brownie », « un parfum dont je n’ai pas compris le nom » (mais que je soupçonne être de la pistache) et « mango-passion fruit ». Après quelques explications difficiles, je finis par comprendre qu’elle n’a qu’un seul pot de glace ouvert devant-elle et que ce sera soit « passion fruit » soit « passion fruit ».

J’entame donc une série de négociations avec Alice pour trouver un terrain d’entente sur le parfum. Alice demande à voir puis réclame « fruit de la passion », ce qui tombe bien car il y en a !

 

Deuxième étape : décider du nombre de boules.

Un dessin sur le comptoir indique les différents cornets avec les nombre de boules et leur prix. Plus c’est gros, plus c’est cher. je décide unilatéralement et sans consultation de la base, de choisir une boule par personne et de prendre des« small scoop » ce qui représente la plus petite et la moins onéreuse option possible.

 

Troisième étape : choisir le nombre de cornets.

Connaissant le légendaire appétit d’Alice, je décide de n’en prendre que 2 glaces sachant qu’Alice ne finira pas la sienne.

 

Quatrième étape : sélectionner le type de cornet.

Je fais une concession et autorise les cornets en gaufre plutôt que les cornets insipides en hostie. (Ceux qui me connaissent pourront croire qu’il s’agit ici d’une remarque anti-cléricaliste primaire, cependant (même s’ils n’ont pas tout à fait tort), il s’agit d’un choix purement gastronomique. Sachant que ce sera à moi de finir les cornets, je préfère dans un accès d’égoïsme caractérisé, devoir manger des cornets en gaufre croustillante plutôt qu’en ersatz de pain béni qui se prend pour de la chair de crucifié.

 

Je commande donc 2 glaces avec une « small scoop » chacune dans des cornets gaufrés.

Aussitôt la vendeuse s ‘active et se met à racler de la glace dans son bac pour former un agglomérat vaguement rond d’environ un demi-litre de crème glacée qu’elle juche en équilibre sur le cornet qui paraît minuscule.

Pensant avoir fait une erreur, j’essaie de lui expliquer que je voulais deux glaces à une boule et non pas une glace à 2 boules. Elle me répond « yes, yes, It comes ! » et me prépare une deuxième glace identique à la première…

Elanore et Lucile sont à la fois ravies et atterrées par la taille de leur glace. Très judicieusement, Elanore me fait remarquer que les « petites boules » n’ont pas la même taille qu’à Tahiti, et ajoute « heureusement qu’on n’a pas pris 2 boules ! »

Nous nous asseyons pour manger nos « petites » glaces. En regardant autour de nous, nous constatons que nos glaces sont bien petites par rapport à celles que mangent les gens attablées. Une grand-mère lèche consciencieusement une glace « two scoops » qui lui cache le visage. Un gamin de 2 ans, interloqué, ne quitte pas Elanore et Alice des yeux, il tient une glace « one scoop » à 3 parfums aussi grosse que les nôtres.

 

Nous débutons la dégustation. Comme prévu, Alice cale rapidement et me donne à finir les ¾ de sa glace. J’ai du mal à la finir.

Au moment où j’avale la dernière bouchée, Elanore me tend la moitié de la sienne. Je crois que mon ventre va exploser…

 

Le gamin de 2 ans vient de finir son cornet. S’il n’était pas si jeune, je penserais qu’il nous nargue.

 

Nous rentrons au bateau, il est midi. Nous n’avons plus faim.

 

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De Niue aux Tonga

 

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Départ de Niue

La mer est si inconfortable que pendant ces deux jours de traversée nous restons à l’intérieur du bateau, et l’intérieur du bateau est peuplé de héros, de hobbits, de dragons, d’elfes, de sorciers, de moldus, du capitaine Nemo et du roi des Papas… Pourquoi voudriez vous qu’on aille voir dehors ? La mer est un amas de vagues tordues, une grosse vague de temps en temps s’écrase sur les hublots, laissant de magnifiques traces d’eau. La nuit le ciel étoilé rentre dans le carré par le hublot, le jour, la pluie laisse filer ses perles sur les hublots.

 

Le couchage des enfants dans le carré

Les enfants dorment dans le carré

 

La nuit le hublot est couvert d’étoiles, le jour le hublot est étoilé de pluie.Je me souviens d’un velux couvert de pluie dans un film de Woody Allen, et j’ai toujours aimé depuis les velux, les hublots sous la pluie, sous la lune, dans les étoiles, ce passage si immédiat de l’extérieur vers l’intérieur. L’extérieur est hostile, l’intérieur est paisible, rempli par nos imaginaires, extensible à l’infini, sans frontière, ni limite, il y a le in et le out, le dedans, et le dehors., la vie intérieure et la vie extérieure. Et comme bien souvent dans la vraie vie, sur le bateau, la vie intérieure est foisonnante, riche et la vie extérieure est plein de remous, tumultueuse, trouble. A la VHF nous entendons les voix gutturales des équipages suédois qui partis en même temps que nous de Niue, se dirigent comme nous vers les Tonga et communiquent entre eux avec leur langue mystérieuse. Le seul mot que nous comprenons est « slowdown » , Ralentir, en effet le vent nous pousse si vite que nous devons ralentir pour ne pas arriver de nuit aux Tonga.

 

Navigation dans le noir...

Navigation dans le noir…

 

Ralentir, sur un voilier, veut dire réduire les voiles, mais malgré le génois enroulé sur trois tours et les deux ris de pris dans la grand-voile, nous allons si vite que nous arrivons de nuit aux Tonga, dans l’archipel des Vava’u. La lune est pleine et lumineuse, malgré le voile des nuages, nous distinguons les îles noircies par la nuit, nous nous faufilons tels des cambrioleurs bilbotiens évitant les récifs, surveillant la navigation sur la carte électronique, nous mouillons dans la baie de Port Maurelle, clandestinement. Nous sommes en effet le samedi, et les autorités d’immigration étant ouvertes le lundi nous faisons fi de notre obligation de déclarer notre arrivée à la capitale des Vava’u jusqu’au lundi. Il est 4h du matin, nous n’avons pas dormis, Paris se couche t-il ?

 

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Formalités d’arrivée

 

 

Bricoleurs de ponton

 

La modestie est surement l’une de mes plus grandes qualités, néanmoins, il est des situations où l’on ne peux se contenter de mièvres allégories et c’est auprès des plus grands qu’il faut se mesurer pour aller chercher l’inspiration. Ainsi pour appuyer cette humble participation à l’enrichissement de notre site, je n’ai d’autres choix de faire un parallèle entre nos vagabondages et l’un des grands mythes de l’antiquité.

Immédiatement c’est l’évocation d’Ulysse et de son odyssée qui s’impose par son analogie : Un sillage pavé d’imprévus, de monstres et d’aventures, de cyclope (Pierre), de sirènes (Elanore, Lucile, Alice) et de Circé (Hélène)… Pourtant ce n’est pas auprès d’Homère que je suis allé chercher mon inspiration mais auprès d’un mythe fondateur plus ancien et universel : Sisyphe et son caillou.  Je pense que tout le monde a déjà entendu parler de ce personnage antique de la mythologie grecque qui pour avoir défier les dieux et trompé la mort, fut condamné à monter une pierre au sommet d’une montagne, Pierre qui roulait invariablement le long de la pente avant d’arriver au sommet (like a rolling stone).

Était-ce vraiment une condamnation ? Certes, il ne pouvait atteindre la délivrance et la fin de son tourment, mais ne trouvait-il pas enfin dans cette tâche absurde sa raison d’être? Tenter de se surpasser, aller au delà des limites? Voulait-il vraiment réussir? Sa réussite l’aurait délivré mais également privé de sa raison de vivre ? Faut-il dresser son caillou au sommet de la montagne en défi aux dieux ou rouler éternellement sa pierre ? Atteindre l’absolu ou se créer un objectif inaccessible qui nous assure une quête eternelle?

 

Chaque bateau possède son rocher de Sisyphe que le capitaine appelle prosaïquement la « liste des trucs à faire ».

Un bateau c’est à la fois le paradis et l’enfer du bricoleur. Le lieu de tous ses fantasmes et de ses tourments, l’assurance de n’être jamais oisif et d’avoir des remords de l’être.

Un bateau, c’est comme flâner un dimanche après-midi dans une grande surface spécialisée et baguenauder au fil des rayons en rêvant : peinture, enduits, fibres et résines, mécanique, plomberie, visserie, soudure, hydraulique, électricité, froid, accastillage, voilerie, corderie, ébénisterie … Le tout condensé dans un espace de 12m de long sur 6,4 de large.

Le bateau c’est l’eldorado du bricoleur, il doit maîtriser y toute les techniques, toutes les disciplines, être le poète de la clé à cliquet, le soprano de l’ampère et le maestro du rouleau.

Le bateau, c’est son « tartare » son petit enfer personnel. L’ouvrage repris cent fois, les imperfections, les ratés que personne ne voit, mais qui sont là, visibles de lui seul, (la baguette d’angle mal ajustée, le vaigrage qui plisse ou les vis trop longues placées au dessus du carré et qui, pendant les quarts de veille, alors qu’il laisse son esprit vagabonder, allongé sur la banquette les yeux fixés au plafond, le narguent, amer témoignage et cinglant reproche de son « imperfectitude ».

« La liste des trucs à faire » c’est notre rocher de Sisyphe, chaque fois que nous a la satisfaction de biffer une ou deux taches, trois viennent s’y ajouter.

« La liste des trucs à faire », c’est notre échelle vers le nirvana, le décompte des degrés à franchir pour atteindre la perfection, un fantasme d’ingénieur : l’infini à portée de main, « Pi » fini.

La liste des trucs à faire, c’est la mesure de notre médiocrité, le rappel de nos erreurs, la preuve de nos imperfections.

 

Au commencement, on débute, on apprend.

On découvre de nouvelles techniques, on fait des erreurs, on lit, on tâtonne, on fait des erreurs, on se documente, on cherche des informations, on fait des erreurs, on quête les conseils, On fait des erreurs et on s’améliore.

Je me rends compte que mes travaux d’aujourd’hui sont mieux planifiés, mieux finis, plus rapides et plus efficaces, plus maîtrisés que ceux d’hier, c’est ainsi que depuis quelques temps j’ai une certaine fierté quant à l’exécution des travaux que je réalise. J’ai acquis dans plusieurs domaines une certaine habileté et expertise qui me permettent de bomber le torse et donner des conseils aux novices (en omettant naturellement de leur dire que je n’ai jamais mis en pratique les dits conseils, mais qu’ils sont issus d’une longue lignée de ratés). Cela s’appelle l’expérience…

Mais trêve de bavardages, il est temps de développer notre histoire et d’illustrer de quelles anecdotes croustillantes ces généralités, qui ma foi, n’étaient que du du baratin destiné à vous embrouiller l’esprit. Je conclus ici mon introduction.

 

L’histoire commence au large de Niue.

18 milles après avoir passé Niue,  nous nous sommes retrouvés dans une zone de calme plat sous la pluie et nous avons décidé de nous déhaler au moteur pour quelques heures afin de retrouver un flux de vent de sud-est qui doit nous propulser vers les Tonga.

C’est à ce moment qu’intervient la fameuse loi universelle qui régit l’univers connue dans les pays francophones comme « la loi de l’emmerdement maximum » et qui a été décrite par Edward A. Murphy Jr, sous la forme « Anything that can go wrong, will go wrong » (se qui peut se traduire par « La tartine tombe toujours du coté de la confiture » ).

  • les moteurs ne démarrent pas,
  • les batteries moteurs sont à plat.

La loi de Murphy ayant été prise en compte dans la conception de notre circuit électrique, notre Caracolito est équipé d’un sélecteur de batteries permettant de basculer du parc batteries « moteur » au parc batteries « servitudes ».

J’actionne le sélecteur, tente de démarrer les moteurs avec les batteries de servitudes, pas de démarrage : les batteries servitudes sont également quasiment à plat, car (et c’est ici que se rappelle à notre souvenir la fameuse « liste des trucs à faire ») :

  • Le gestionnaire de batterie ne fonctionne pas en raison d’un mauvais câblage, il est branché sur la batterie moteur ce qui m’empêche de suivre correctement notre consommation et notre production électrique (noté en priorité 2 sur la « liste des trucs à faire »).
  • le thermostat de notre frigo ne fonctionne plus, le frigo est toujours à fond et consomme donc 2 fois plus que normalement (priorité 1 sur la « liste des trucs à faire » depuis Aitutaki)
  • Un tiers de nos panneaux solaires ne produisent pas car le régulateur est hors service (priorité 1 sur la « liste des trucs à faire »). (nota : j’avais bien un régulateur de rechange, mais je l’ai donné à Marcello à Mopelia quand je me suis rendu compte que le kit qu’il avait acheté à Sunzil, avait été livré sans régulateur. Bien entendu mon régulateur est tombé en panne 3 jours plus tard. (Moralité : Il ne faut JAMAIS être généreux, et ne JAMAIS vouloir compenser les erreurs de son ancienne société…))
  • Le pilote fonctionne en permanence depuis 5 jours ce qui augmente sensiblement notre consommation journalière.
  • Le pilote a du mal a tenir le cap, j’ai donc augmenté sa sensibilité et donc sa consommation.

Comme vous l’avez compris, Cette situation n’aurait pas eu lieu si 3 points clairement identifiés de la liste des trucs à faire avait été traités. Car c’est le trait le plus sournois de cette liste, elle prophétise les pannes et les emmerdements. Elle nous prévient que les batteries vont tomber en panne, que la poulie va casser, que nous avons été négligent sur la maintenance et, une fois que le « go wrong » est arrivé, elle retourne impitoyablement le couteau dans la plaie en nous susurrant à l’oreille : « tu savais qu’il fallait le changer et tu ne l’as pas fait ! Tu veux un peu de moutarde pour assaisonner les doigts que tu es en train de mordre ? »

Nous arrivons donc à Niue avec 2 entrées supplémentaires sur la liste des trucs à faire :

  1. Comprendre pourquoi les 2 batteries moteurs se comportent comme si elles étaient en parallèle (priorité 1)
  2. recharger les batteries (priorité 1)

Ainsi que 2 entrées déjà existantes dont le niveau de priorité est passé de « priorité 1 » à « priorité absolue » :

  • Remettre en production les panneaux solaires du Bimini (quitte à les mettre en direct sur les batteries),
  • Reprendre le câblage du gestionnaire de batteries pour le mettre en fonction.

 

Bien entendu le premier jour, je ne fais rien, formalité, fatigue, baleines, courses, autant d’excuses farfelues qui ne font qu’aggraver ma culpabilité par rapport à la longueur de la « liste des trucs à faire ».

Je démarre néanmoins les moteurs pour charger les batteries et commence à regarder un dessin animé avec les filles. Au bout d’une quarantaine de minutes je sens une odeur de brûlé familière mais que je n’arrive pas à identifier. (Cela ressemble à du liquide de refroidissement qui bout). Cela provient de bâbord. J’ouvre la cale moteur, vérifie les niveaux, température, fonctionnement : rien d’anormal. Je remet en route, l’odeur devient de plus en plus forte.

J’éteins les moteurs et m’aperçois que le gestionnaire de batterie indique que la batterie du moteur tribord débite un un courant de 15 Ampères. Aussitôt, je m’arme de ma pince ampérométrique et part à la recherche des ampères perdus.

Je les localise rapidement (ainsi que la source de l’odeur de brûlé) : Dans la soute arrière, la batterie du moteur bâbord se prend pour une cocotte minute !

Je la déconnecte, sécurise le circuit électrique et remet au lendemain la suite des opérations.

Le lendemain – Dimanche 11/09.

9h30 : Le petit déjeuner est pris. Je renâcle à prendre les choses en main. Il faut en premier lieu faire une recherche de panne, opération rebutante car elle nécessite de la réflexion et son timing est aléatoire. Je n’ai pas envie de réfléchir et intervenir sur le circuit électrique implique de mettre sens dessus dessous les 2 cabines arrières (ainsi que les cabines avant qui reçoivent se qui se trouvait dans les cabines arrières) et vider complètement les coffres de cockpit, vider les soutes arrières et surtout devenir contorsionniste pour y rentrer.

La « liste des choses à faire » devient de plus en plus moqueuse et mesquine. Elle s’acoquine avec le fameux proverbe « ne jamais remettre au lendemain ce qu’on peut faire le jour même » pour me mettre de mauvaise humeur.

12h43: je me lance,  premier objectif : mise en service du gestionnaire de batterie.

Je tente de repérer le passage des câbles, m’arme d’un stylo pour redessiner le schéma électrique, je met à contribution Elanore et Lucile pour prendre des mesures de résistance des câbles traversant la paroi et finit par identifier les problème de câblage (inversion des câbles négatifs des batteries servitudes et moteurs).

16h21 : Le gestionnaire de batterie fonctionne. L’ensemble du câblage « – » est vérifié, remis en ordre, repéré et reproduit sur le papier.

16h22 : Je m’accorde un bon point. (Au bout de 5 bons points, on a droit à une bière)

16h23 : Je tergiverse.

16h35 : je commence à étudier le schéma électrique du bateau.

16h47 : Je conclus définitivement que le problème vient d’un des répartiteurs. Je décide de supprimer les liaisons croisées qui permettent à 1 moteur de charger les 2 batteries moteur simultanément.

17h25 : J’ai déconnecté les liaisons. J’ai également nettoyé, resserré et protégé les connexions des batteries du parc « servitudes » et de la batterie moteur tribord.

17h26 : je commence à ranger et remettre en place les coffres, soutes, cabines etc…

18h55 : J’ai fini de tout ranger. Je fais le bilan et prépare « la liste des trucs à faire pour demain ».

Pour les ignares, la liste des trucs à faire pour demain » est un sous-ensemble de la « liste des trucs à faire » précédemment mentionné qui regroupe les tâches devant être impérativement menée le lendemain afin de s’autoriser un instant de relaxation bien mérité autour d’une bière qui l’est également (bien méritée).

La «liste des trucs à faire pour demain » comprend :

  1. Acheter une batterie de démarrage 100A
  2. Trouver un régulateur PWM 30A
  3. Installer la batterie de démarrage nouvellement achetée
  4. mettre les panneaux solaires du bimini en direct ou installer le régulateur (si le point 2 a pu être réalisé)
  5. installer le coupe-circuit que j’ai en réserve (échantillon offert par le distributeur ABB de Tahiti au BE de Sunzil et qui (l’échantillon) s’est volatilisé du BE et a mystérieusement réapparu dans notre bateau) sur les panneaux du bimini .

Les chances de réussite de la tâche N°1 sont évaluées à 50% par les bookmakers locaux qui sont fort pessimistes concernant la tâche N°2 dont les chances de succès sont évaluées à 10%.

19h08 Je décide de m’autoriser une petite bière. Il ne nous reste que de la Hinano (bière de Tahiti) à bord… Je décide de ne pas boire de bière.

Lundi 12/09.

08h35 : Nous allons à terre de bon matin et nous nous rendons au Yatch-club. Je parle au gérant de mon problème de batterie. Il me propose de m’emmener aux 3 magasins qui vendent des batteries sur l’ile. J’accepte. Les 2 premiers n’ont que des petites batteries inutilisables. Il m’emmène voir Jerry.

Nous quittons la ville et il prend la route traversière de l’île. Il finit par rentrer dans une petite propriété. Dans le jardin se trouvent des épaves d’engins agricoles, des épaves de frigos, 4 chiens et un cochon qui ressemble à un chien. Après vérification il s’avère que le cochon est un chien qui est aussi gros qu’un cochon.

Jerry sort de sa maison : Il a des batteries qui correspondent à mes besoins. Je tente ma chance et lui parle de régulateur… Miracle, il en a également ! Malheureusement ils ne peuvent produire que 20A. Je retente ma chance, en a-t-il en 30A ? Re-miracle, il en a un ! (certes, il ne m’inspire pas confiance, me parait un peu petit avec un radiateur minuscule et des connecteurs accueillant à peine du fil de section 6² et ils sont fabriqués en chine, mais ce sont bien des régulateurs dont le prix est TRES compétitif…).

Je me sens en veine, (j’ai remarqué 4 panneaux solaires en triste état dans son jardin) et tente l’impossible : Aurait-il par hasard des connecteurs double MC4 pour mettre les panneaux solaires en parallèle ?

Aparté pour ceux qui se souviennent du début de mes propos (j’invite les autres à lire plus attentivement les premiers paragraphes de cet article avant de continuer) : Il y a toujours des petits détails qu’on se reproche dans les travaux qu’on est le seul à voir. Dans mon cas un de point qui m’agace au plus haut point c’est de voir des ombres sur l’un des panneaux qui sont sur le portique arrière. J’ai passé 5 ans à Sunzil à expliquer à tout les voileux de passage qu’il fallait préférer un raccordement en parallèle des panneaux pour qu’une ombre sur l’un des panneaux n’ait pas d’influence sur l’autre panneau et je n’ai pas trouvé mieux à faire lors du montage sur mon propre bateau que les mettre en série ! Certes cela ne représente pas une perte vraiment significative, mais mon amour propre souffre à chaque petite ombre cruelle qui me rappelle que je n’ai pas optimisé mon installation. Des connecteurs MC4 double seraient la solution élégante et la  mieux adaptée qui permettrait à mon amour propre d’éviter de ne sortir que la nuit en rasant les murs le visage masqué sous une épaisse couverture.

La réponse de Jerry me sidère : « Yes I have! »

J’en conclu que mon anglais est « very poor » et pose la question autrement. Même réponse.

Devant mon air ahuri, il m’emmène dans son hangar / cabane de jardin et sort une espèce de vieille boite généralement désignée comme « boite à trucs qui peuvent servir » ou « boite à bordel » ou « boite de machins à ranger ». Il l’ouvre, la fouille et me sort 2 paires de connecteurs double MC4…

15h10 : Nous retournons à bord avec batteries, régulateurs, connecteurs, femme et enfants. Entre-temps, nous sommes allés récupérer de l’argent à la banque (pour payer la batterie), été à la douane pour les formalités de départ du sur-lendemain, fait quelques courses (dont une canette de bière Neo-zélandaise de bon aloi), et mangé des hot-dogs qui ressemblaient à des beignets à la saucisse.

15h13 : Nous revenons au bateau, j’attaque la mise en place de la batterie.

C’est à ce moment que l’on ressent le poids de l’expérience. Immédiatement j’ai dressé un mode opératoire et identifié la liste exhaustive des outils nécessaires :

  • clé à cliquet + douille de 13
  • pince multiprise,
  • brosse métallique,
  • bombe de graisse.

En 35 secondes l’ensemble de l’outillage est rassemblé, 2 minutes et 53 secondes plus tard la batterie est raccordée les cosses nettoyées et protégées. Je démarre le moteur : tout fonctionne à merveille.

 

15h17 : Je décide de poursuivre par la mise en parallèle des panneaux du portique. Je sais que cela ne fait pas partie de « la liste des trucs à faire pour demain » mais cela devrait être très rapide. (je sais également que selon les célèbres proverbes caracolitois : « toujours remettre au lendemain ce qu’on peut faire le jour même », et « il faut connecter le panneau tant qu’il est chaud », si je ne le fait pas immédiatement, dans un an, les connecteurs ne seront toujours pas installés…

Je me rends compte rapidement que les câbles des panneaux trop courts car les boîtiers de connexion des panneaux sont trop éloignés. Il faut que j’inverse un panneau.

Je m’auto-félicite pendant une demi-minute pour l’intelligence de la conception de mon portique arrière et du système de fixation. En quelques secondes, j’ai desserré les écrous permettant de faire basculer le châssis. Je desserre les brides, descend le panneau, le retourne, resserre les brides et remet le châssis en position. La mise en place des connecteurs est un jeu d’enfant. Je vérifie le fonctionnement et rattache les câbles.

 

15h39 : Je prépare le remplacement du régulateur sur les panneaux du Bimini suivant le processus décrit précédemment et largement éprouvé :

  • Analyse,
  • Identification du processus,
  • réalisation d’une gamme opératoire,
  • liste de matériel…

Je sors les 2 boites à compartiments où sont rangées amoureusement toutes mes vis à bois, ainsi que les accessoires électriques, puis rassemble tournevis, pinces coupante et à dénuder.

J’en profite pour installer mon fameux coupe-circuit ABB (celui qui est apparu mystérieusement…) entre le régulateur et les panneaux. Je coupe, dénude, raccorde, visse et teste. Tout fonctionne parfaitement.

 

16h42 : J’organise mentalement la suite des opérations : dans l’ordre : Rangement, baignade, bière néo-zélandaise fraîche (Speight’s gold medal Ale).

 

17h12 : Le rangement est presque terminé, il ne me reste que la boite de vis à ranger sous le lit d’Alice. J’attrape vivement la boite posée sur le banc du cockpit. Malheureusement, j’ai oublié de fermer le couvercle : Environ 1852 vis de 31 types différents se répandent immédiatementsur le sol…

 

17h13 : J’émets plusieurs jurons, imprécations et borborygmes.

 

17h15 : je décide d’aller me baigner.

 

17h32 : J’ouvre ma bière (Speight’s gold medal Ale) et m’assoit au fond du cockpit avec d’un coté une boite compartimentée vide et de l’autre un tas de vis mélangées. Je constate que la bière et excellente, note la marque consciencieusement (Speight’s gold medal Ale) et décide d’ajouter une action sur ma « liste des trucs à faire pour le lendemain »: « acheter un pack de « Speight’s gold medal Ale » avant notre départ de Niue.

 

18h 39 : J’essaie d’organiser un jeu intitulé « mi amie la vis » (a ne pas confondre avec Miami Vice) avec les filles, mais elles ne sont pas intéressées.

 

19h05 : pause dîner

 

19h35 : reprise de l’opération « vis du dessert »

 

20h02 : je range la boite compartimentée (fermée) sous le lit d’Alice.

 

Epilogue

Le surlendemain, Il pleut à verse toute la journée. Nous ne pouvons pas sortir. Vers 16h j’organise une expédition avec Elanore, Alice et Lucile. Nous enfilons les cirés et direction le rivage. Officiellement, il s’agit de faire les dernières courses et poster les cartes postales écrites par Elanore, Lucile et Alice.

La poste vient de fermer. Nous nous dirigeons vers l’objectif secret de notre expédition: le seul magasin autorisé à vendre des spiritueux sur l’ile.

Le propriétaire m’y apprend qu’il vient de tomber en rupture de « Speight’s gold medal Ale » et qu’il n’y en a plus de disponible sur l’île…

 

-o-

« La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux. »

A. Camus

-o-

Niue, la réalité d’une île

Niue la réalité d’une île, Niue la beauté d’une île.,

L’île se révèle dans toute sa beauté et sa singularité d’île, c’est un socle de corail qui est remonté lentement, après des années et des années d’un temps géologique :L’île est entièrement formée de blocs de corail placés en un désordre rocailleux, comme si un tremblement de terre venait de se passer, ou bien comme si des coulées de lave s’étaient répandues sur l’île, et couverte d’ une végétation tropicale (banian, cocotiers, arbres à pain, papayers etc…) poussant à même le corail. L’élévation du socle de corail laisse apparaître en bord de mer, des grottes, des grottes de corail, ce qui en fait toute leur singularité, avec des stalactites et des stalagmites nées des gouttes d’eau de condensation et sous la mer, des piscines naturelles entre ces blocs de corail . Des eaux cristallines baignent l’île, d’une pureté et transparence extraordinaires et abritent de juillet à septembre des baleines avec leurs baleineaux : toute la journée nous pouvons en voir sauter, souffler, plonger, se rouler, s’approchant même des bateaux au mouillage. Observer la mer revient à devenir des vigies pour apercevoir les baleines. Il fût un temps où Niue était le repaire des chasseurs de baleines qui se postaient en haut de la baie en attendant leurs proies. Et postés nous mêmes en haut de la baie, ou à l’affût sur le pont de notre bateau, guettant ces si graciles géants de la mer, il nous revient en tête la chanson de la chasse à la baleine des Maristo , l’histoire de Moby Dick et celle de Pawana contée par Le Clezio. « Harponne, Harponne la !».

 

 

La mer nous offre un autre objet de fascination : les serpents de mer. Rayés de noir, ondulant au fond de l’eau ou montant à la surface, ils ont le poison du cobra mais ne mordent pas nous assure t-on, leur bouche étant trop petite et sans dent pour mordre… Curieux de notre présence dans l’eau, ils remontent de fonds de 20 mètres pour nous observer, puis plongent aussitôt, nous sommes saisis de peur et fascinés. Il peut y en avoir jusqu’à 30 autour du bateau la nuit, sortant la tête. Un jour, je me trouvais dans une de ces petites piscines de mer formée par une anfractuosité dans le corail, au fond, un serpent de mer, qui se met à remonter et à venir dans ma direction, la piscine était petite et je me suis mise à reculer vite arrêtée par la paroi de corail, le serpent voulait en fait sortir de la piscine et prendre un petit canal qui reliait au platier, il y avait si peu de place dans ce petit canal qu’il a chassé avec sa queue les poissons qui s’y trouvaient, il est passé à côté de moi avec une indifférence toute reptilienne, j’étais montée sur le corail, mourant… de peur.

Avec les enfants, nous explorons l’aire autour du bateau, poissons juvéniles multicolores, Napoléon, requin pointe blanche…pas en quantité mais le corail est si beau -de grandes étendues de corail formant des canyons -et l’eau est tellement claire, avec des lueurs bleutées comme si elle était glacée, à Niue, il fait froid, 22 ° degré à l’extérieur : double lycra , double maillot pour aller dans l’eau et tenir plus longtemps pour accéder à la beauté. Cette île de toutes les beautés a souffert, ravagée sept fois par des cyclones : hôpital, école, administration, habitations, ravagée puis reconstruite puis ravagée et reconstruite, jusqu’au prochain cyclone, comme si la beauté de l’île était une consolation face à tous ces ravages, comme si la beauté était une consolation face aux ravages de l’existence. Alice nous pose en ce moment ces questions  : pourquoi meurt on ? Est ce que tout le monde meurt ? Que devient on quand on est mort ? La route principale de l’île est bordée de tombes, ainsi que devant les habitations, lorsque l’on fait le tour de l’île, les enfants comptent les tombes aperçues au bord de la route, ici comme partout en Polynésie, les morts sont mêlés aux vivants et toutes les questions que pose la petite Alice sont des questions dont jamais on ne se remet, que l’on se pose tout le long de sa route et la beauté, l’art sont nos consolations…

 

 

Il est un arbre étrange qui pousse à l’est de Niue, il est fait de vieilles casseroles, de bouilloires, de plastiques élimés, troués, d’ordinateurs hors service, de toutes sortes d’objets éculés, déformés, malmenés, périmés, noircis, rouillés, avilis, de tous ces objets de notre société de consommation dont on ne sait plus quoi faire, qui tourbillonnent dans la mer et se retrouvent ramenés sur les plages, il est né de l’imagination d’un artiste Mark Cross et chacun peut y ajouter son objet-déchet, c’est comme une évidence que nous accrochons à l’arbre l’impériale bouteille de coca cola qu’Alice s’est empressée de vider.

 

niue-04

 

De Aitutaki vers … ?

1er jour de mer, mer agitée,

2ième jour de mer, mer agitée,

3ième jour de mer, mer agitée,

 

les jours passent et se ressemblent, vent arrière de 15, 20 nœuds, vitesse 7 nœuds, la mer est une succession de petites vagues qui roulent vers l’ouest, une drôle de mécanique la mer, des petites vagues régulières à l’infini, sans discontinuité et soudain une, ou deux grosses vagues qui roulent, qui roulent jusqu’au bateau, montent, montent comme si elles allaient s’écraser sur le bateau, puis finalement font monter le bateau et le redescendre et encore le monter et le redescendre, la mer est d’une telle monotonie comme si elle avait effacé le temps et qu’on ne savait plus depuis combien de jour nous sommes là, l’esprit n’a plus rien pour s’accrocher, aucun repère visuel, seul un malheureux calendrier de 2014 trône dans le bateau qui nous sert à l’étude des enfants, obsolète calendrier qui nous oblige à faire des calculs pour connaître notre jour de semaine, obsolète temps et temps obsolète, l’un et l’autre sont vrais, de chaque côté du mot temps se trouve l’obsolescence, la mer est un temps présent, un présent absolu sans passé ni futur, un lieu sans ride malgré les rides de la mer, sans peau lisse malgré la mer plate, un lieu sans jeunesse ni vieillesse, comme si cela devait durer encore, la mer est une surface neutre, humainement neutre, nous recevons la seule visite d’un fou de bassan, visite animale mais presque humaine dans nos longues solitudes…

 

 

il y a la succession de lunes, d étoiles et de jours gris, le matin le rose s’empare de chaque petit nuage et allume sa tendresse puis s’efface pour laisser la place à ce gris, à ce désemparement, plus tard dans la journée, c’est un blanc laiteux , écœurant en bas du ciel et le bleu au centre qui peine à s’imposer, et le gris partout, qui reste.

La mer est sans mémoire, combien de bateaux sont passés par là et toujours ce paysage sans temps, seul le temps de sa propre mémoire, celle du vent griffant la vague, les milles et milles rides et ridules composant la mémoire de la mer, quelle trace auront laissé les bateaux de leur passage – nulle trace de ceux qui furent un temps là, d’où viennent ces fous qui nous approchent, auront ils laisser une terre derrière eux, ou toucheront-ils un jour une terre, et quelle terre, quelle est la prochaine île qui naîtra de cette mer ?

Nous traversons une géographie invisible, faite de sommets inversés , les abysses, à 3000 m, 4000 m au dessous de nous,et le fait même d’y penser sans pouvoir s’y pencher est vertigineux, à la surface , le bateau qui vogue par 4,5 nœuds, les voiles gonflées, tendues par le vent, en dessous, les infinis, les abysses.

 

 

A 65km de l’île de Tongatapu est née une nouvelle île, elle n’est pas cartographiée, elle est née de l’activité volcanique sous marine, a jailli de trois mille mètres, un long et lent jaillissement de millions d’années.

Une île est née récemment dans l’archipel de Ha’apai aux Tonga, elle est née du volcan Hunga Tonga-Hunga Haʻapai qui après une série d’éruptions, de coulées de lave, d’explosions d’azote et de phosphore , après avoir craché des nuages de cendre et de pierres incandescentes, a donné naissance à une nouvelle île. L’île a 1 à 2 km de large, 2 km de long et 120 m de haut. Des oiseaux de mer ont commencé à nicher sur l’île.

Voici le récit de la naissance de l’ île (source : noonsite.com):

 

«  Hunga Tonga volcano – 20° 34′ 12″ S, 175° 22′ 48″ W 

Hunga Tonga Hunga Ha’apai est un volcan situé à 30 km au sud sud est de Fonuafoou (dite « l’île du Faucon »). Le volcan est à nouveau entré en éruption le 19 décembre 2014. L’éruption a continué en 2015 avec, en particulier, un grand nuage de cendres monté à 3 km dans le ciel le 6 janvier 2015. L’éruption est entrée dans une nouvelle phase le 11 janvier 2015 quand le volcan a commencé a envoyé des cendres à 9km dans le ciel. Un nuage de cendres a atteint 4,5 km le 13 janvier et une grande quantité d’azote et de phosphore s’est écoulée sous l’eau détruisant les algues provoquant une marée rouge. Deux nouveaux cratères ont été identifiés, un sur le volcan Hunga Ha’apai et un autre à peu près à 100m, au-dessus et sous la mer. Le 16 janvier 2015 une nouvelle île a été formée par l’explosion, bien que les géologues disent que la nouvelle île n’existera que quelques mois jusqu’à ce que les vagues de l’océan la submergent. Les autorités de Tonga ont déclaré la fin de l’éruption le 26 janvier 2015 après avoir observé qu’il n’y avait plus de gaz, ni de cendres ni de pierres sortant du cratère de l’île. A l’heure actuelle, l’île a 1 à 2 km de large, 2 km de long et 120 m de haut. L’île touche Hunga Ha’apai et est à peu près à 200m de Hunga Tonga. Des personnes visitant l’île ont constaté que des oiseaux de mer avaient commencé à nicher. »

En sortant de la passe, nous avons vu une baleine et son baleineau, mais toute vie marine est maintenant recouverte du voile de la mer, dans les airs, quelques fous esseulés viennent par leur vol, peupler notre ciel.

En haut d’une vague, monté sur le sommet, à la crête, on pourrait se croire roi tellement le royaume est défini, la circonférence du royaume précise, l’étendue marine limitée. Cinq cent ans de sang bleu coulent dans mes veines, et des mes ancêtres, comtes et comtesses, je me suis demandé quel héritage ils m’avaient transmis, le voilà mon royaume celui de la mer, et mon sang bleu, celui de la mer, et leur rang de comtes et de comtesses, celui des contes, leur héritage, du vent, de l’espace, et un jeu de mot.

 

A Aitutaki, il y avait une femme qui s’appelait Memory. « c’est un prénom rare » lui ai-je dit. Elle m’a raconté que sa grand-mère venait d’Australie et avait immigré à Aitutaki. Lorsqu’elle est née, sa grand mère avait voulu qu’elle se nomme Memory, « mémoire », pour se rappeler d’où elle venait.

 

A 7h du matin, le jour ne s’était pas encore levé, dans la nuit, cinq petites lumières : Niue ! Cinq petites lumières dans la nuit, depuis cinq jours de navigation, c’est ce qu’on appelait une île, il fallait voir la carte pour le croire. Il y avait la possibilité d’une île, comme aurait dit Houellebecq, la possibilité de cette île, l’île de Niue, c’est à dire de s’arrêter, d’arrêter le mouvement perpétuel du bateau, arrêter la nausée et le mal de tête si vite arrivés, ouvrir un horizon tangible fait de terre, d’arbres, de maisons, d’hommes et de femmes, de voitures…tout le monde se réveille dans le bateau pour voir les lumières de Niue dans la nuit. Ces petites lumières qui dansent dans la nuit, dans notre univers de mer. Niue est une île dont la base volcanique ne s’est pas effondrée : la base de corail est remontée sur toute sa surface, elle est sans passe, sans lagon. Lorsque le jour se lève, Niue est un rectangle noir à la surface. « elle est grande, elle est grande cette île, pas comme sur la carte. « dit Alice. La lumière du soleil levant envahit peu à peu l’est de l’horizon, et en quelques minutes, le gris prend le dessus, un temps maussade, prêt à exploser en pluie. A 9h, il ne reste rien de l’île, le ciel a été envahi par une masse nuageuse. C’est ainsi qu’a disparu Niue de notre horizon,après avoir été cinq lumières dans la nuit.

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Lever de soleil devant Niue

Le vent est tombé, à moins de 10 nœuds, le bateau traîne sa coquille à 3 nœuds, la mer calme, et l’horizon, toujours ce même cercle, s ans début ni fin ; depuis 5 jours, notre horizon le même, avec les variations des vagues, du ciel, à tel point que nous avons l’impression de faire du surplace, si ce n’était notre trace électronique, de nous mouvoir dans un paysage immobile.

aitu-nuie-02

Plus de vent, plus de soleil, plus de houle, plus de batteries…

 

Niue la nécessite d’une île.

Le vent est tombé, il pleut, le ciel est entièrement gris, pris sous une chape de gris, nous n’avançons plus, lorsque nous voulons mettre en marche le moteur, impossible de le démarrer. Nous coupons ce qui consomme de l’énergie, le frigo, le convertisseur électrique mais rien n’y fait, c’est une panne de batterie, le moteur ne démarre pas, il nous resterait deux nuits pour aller aux Tonga mais en risquant de tomber en panne totale d’appareils électriques, les plus importants étant les instruments de navigation. Niue devient alors la nécessite d’une île, nous décidons de rebrousser chemin et de nous diriger vers Niue à la voile avec le peu de vent qui souffle. Cela fait trois heures que nous avons dépassé l’île. Niue n’a pas de passe et comporte une baie ouverte où se trouvent les bouées d’amarrage. Il est donc possible d’y arriver à la voile, sans moteur. le vent nous pousse à trois nœuds, puis deux… le temps paraît long, nous voulons arriver avant la nuit, un peu plus de vent se met à souffler, le bateau s’emballe, tiens une éclaircie, nous essayons à nouveau de démarrer le moteur,oh, ça marche, ça marche!! et en avant pour Niue : cette île que nous voulions ignorer de notre présence nous offre maintenant son abri, sa large baie ,et ses bouées d’amarrage. Nous arrivons à Niue en fin d’après midi et nous prenons une bouée ; une huitaine de bateaux sont déjà au mouillage, suédois, canadien, américain, suisse. Le pavillon de Niue est hissé, nous sommes heureux d’être arrivés.

 

aitu-nuie-01

Au mouillage

 

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